Leontopodium alpinum: un nom latin signifiant «pied-de-lion», dû aux pétales blancs duveteux qui les protègent des rayons ultraviolets. Plus connues sous le nom d’edelweiss, ces fleurs sont l’un des symboles principaux de la Suisse. Omniprésents sur les objets touristiques, les «nobles blancs» deviennent toutefois bien plus rares sur les sentiers de randonnées. De fait, ils ne poussent qu’au sommet des montagnes, sur des pentes escarpées – par exemple au-dessus de Zermatt. Et, du fait de leur statut protégé, il est interdit de les cueillir.
Si les edelweiss sont des plantes de montagnes, les calcschistes proviennent de la mer.
Pourtant, comme le rappellent les géologues Micha Schlup et Michel Marthaler, un indice précieux et moins connu vous donnera peut-être la chance de les apercevoir: ils apprécient les sols calcaires. C’est pour cette raison qu’ils poussent notamment à proximité des roches riches en calcaire appelées calcschistes. Une histoire d’amour étonnante, car si les edelweiss sont des plantes de montagnes, les calcschistes, pour leur part, proviennent originellement de la mer.
Une roche de mer et de montagne
«Les edelweiss aiment le calcaire. C’est pour cette raison qu’en Suisse, on les trouve fréquemment sur les calcschistes, des roches issues des anciens fonds marins de la mer Thétys», précise Micha Schlup. À Zermatt, ces cailloux d’aspect lustré, relativement friables, se sont formés dans un contexte marin, il y a environ 100 millions d’années. «À cette époque, les sédiments riches en argile, en sable et en calcaire se déposent loin des côtes, au fond de la mer, à plus de 2500 mètres de profondeur. Ces dépôts sont les témoins des avalanches sous-marines et des éruptions volcaniques fréquentes. Bien plus tard, ils se transformeront en calcschistes.»
«Les edelweiss sont les étoiles de mer de cet ancien océan.»
Quand les anciens continents africain et européen se rapprochent et font disparaître la Thétys, il y a 50 millions d’années, la tectonique des plaques entraîne ces couches en profondeur par subduction. Comme l’explique Micha Schlup, c’est là que les calcschistes, d’origine sédimentaire, vont être transformés pour devenir des roches dites «métamorphiques». «Par les forces exercées par la pression et la chaleur, la subduction cristallise l’argile en minéraux brillants et feuilletés, les micas, qui donnent à cette roche son aspect ‘en mille-feuilles’ si particulier.» Avec la formation des Alpes et l’érosion due à l’eau et aux glaciers, les calcschistes sont réapparus à l’air libre, à Zermatt et ailleurs, permettant à la faune et à la flore alpine de coloniser ces roches d’origine océanique.
L’edelweiss, un amoureux des sommets
«Pour le dire de façon poétique, les edelweiss sont les étoiles de mer de cet ancien océan», conclut Michel Marthaler, auteur de Le Cervin est-il africain? et de Moiry: de l’Europe à l’Afrique. Oui, mais si la biochimie interne de ces fleurs fait qu’elles ont besoin de calcaire pour pousser, pourquoi n’en trouve-t-on pas dans le Jura, dont le sol est composé majoritairement de roches sédimentaires? «Parce que les edelweiss se méritent. Il s’agit de plantes uniques, qui ne poussent que sur les sommets de plus de 2000 mètres d’altitude.» Pour contempler cet amoureux des sommets et des roches marines, un seul mot d’ordre: chausser ses souliers de randonnée!
Une collection pour dévoiler le secret des rochesL’histoire de la Terre est profondément inscrite dans ses paysages. C’est ce que souhaite raconter la collection de guides géologiques Raconte-moi les cailloux, dont le premier titre, Moiry: de l’Europe à l’Afrique, est paru en juin 2019. Destinés à toute personne amatrice de montagne, de nature ou de randonnée, ces livres ont pour but de traduire le langage muet des cailloux et de donner des clés d’éveil pour déchiffrer le secret des roches sous nos pieds. Après Moiry: de l’Europe à l’Afrique, de Michel Marthaler, le prochain titre de la collection, écrit par Micha Schlup, portera sur les randonnées géologiques de Zermatt. |
Pour aller plus loin
- Le Cervin est-il africain? de Michel Marthaler
- Moiry: de l’Europe à l’Afrique de Michel Marthaler