Postfinance, Implenia, Gate Gourmet: les annonces de licenciements collectifs se multiplient. Certains sont la conséquence économique de la pandémie. D’autres sont le fait de restructurations prévues de longue date dont les raisons sont variables: volonté d’augmenter les profits ou d’améliorer la compétitivité, difficultés économiques récurrentes, modification du modèle d’affaire. Mais tous ces licenciements collectifs ont en commun la décision d’un employeur de supprimer de nombreux emplois sur un court laps de temps, pour des motifs économiques dictés par la conjoncture ou fruits de sa propre volonté.
Licenciement collectif: de quoi parle-t-on?
En Suisse, le droit du licenciement collectif est peu protecteur en comparaison, par exemple, avec les droits allemand ou français. Toutefois, un employeur qui procède à un licenciement collectif doit tout de même respecter certaines règles et, surtout, être de bonne foi tout au long du processus. Faute de quoi, tous les licenciements seront abusifs et chaque employé concerné aura droit à une indemnité de deux mois de salaire.
En Suisse, le droit du licenciement collectif est peu protecteur, en comparaison avec l’Allemagne ou la France.
Selon le Code des Obligations (qui régit les contrats de travail de droit privé), il y a licenciement collectif quand, sur une période de 30 jours, un employeur licencie au moins 10 collaborateurs dans un établissement qui en compte entre 21 et 99, s’il congédie 10% de l’effectif si l’établissement en compte entre 100 et 299 et au moins 30 personnes dès 300.
Dans ce cas, l’employeur doit consulter la représentation du personnel (déjà en place ou une instance désignée sur le moment), laquelle peut mandater un syndicat. Il doit le faire assez tôt pour que la consultation ait une chance de produire des résultats, c’est-à-dire dès que l’employeur sait qu’il va devoir restructurer (par exemple parce qu’il reçoit un ordre de sa direction centrale) et en tout cas avant que le licenciement collectif ne soit définitivement décidé. L’employeur doit informer le personnel sur les vraies raisons du licenciement collectif, sur sa situation économique et lui donner toutes les informations permettant d’élaborer des contre-propositions pour 1) sauver des emplois et 2) atténuer les conséquences sociales pour celles et ceux dont l’emploi ne pourra être sauvé.
L’employeur doit informer le personnel sur les vraies raisons du licenciement collectif, sur sa situation économique et lui donner toutes les informations permettant d’élaborer des contre-propositions.
Il doit donner au personnel un délai raisonnable pour élaborer ces contre-propositions (une vingtaine de jours, plus si le cas est complexe ou concerne beaucoup d’emplois). Il doit laisser le temps à ses représentants de faire leur travail, notamment en les libérant de leur obligation de travailler quelques heures par jour. Une fois les contre-propositions reçues, il doit les étudier avec sérieux et justifier s’il ne les accepte pas. Il reste toutefois libre de prononcer définitivement les licenciements, lesquels ne pourront alors pas être annulés.
Le plan social, un compromis entre employeur et employés
Les contre-propositions du personnel doivent permettre de trouver un accord appelé «plan social». Elles peuvent notamment porter sur la façon d’atteindre l’objectif d’économie visé par l’employeur (renégociation des contrats de maintenance, location de locaux non utilisés), mais aussi remettre en question la pertinence de la restructuration (par exemple si elle frappe un département dont la disparation condamnerait l’entreprise à terme ou si elle se fonde sur un rapport peu sérieux de consultants souhaitant ajouter une ligne à leur CV).
Un plan social contient des mesures de soutien à celles et ceux qui perdent leur emploi: indemnités de départ ou pour cas de rigueur (charges de famille, mauvaises perspectives sur le marché du travail), aide au reclassement et à la recherche d’emploi, formation continue, etc. La loi ne dit rien sur le contenu d’un tel plan, car il doit être adapté à la réalité de chaque entreprise concernée et de ses employés.
Les contre-propositions du personnel doivent permettre de trouver un accord appelé «plan social».
Rien n’oblige l’employeur et les employés à parvenir à un accord, sauf dans les entreprises de plus de 250 salariés. Dans ce cas, si aucun plan social ne peut être négocié, c’est un tribunal arbitral qui décidera du contenu. Pour pousser leur employeur à parvenir à un accord, voire pour simplement faire en sorte qu’il accepte de négocier, les employés peuvent utiliser la pression publique, médiatique et politique. Actuellement, le principe de la bonne foi commande aux employeurs concernés de laisser plus de temps si les mesures sanitaires entravent la consultation.
Une fois la procédure de consultation terminée, l’employeur doit communiquer le résultat à l’office cantonal du travail, qui peut lui aussi formuler des propositions. Les rapports de travail qui sont définitivement résiliés prennent alors fin au plus tôt 30 jours après cette annonce.
Dialoguer pour que les choses se passent au mieux
Pour conclure, mon conseil aux employés concernés: faites-vous conseiller par un syndicat, la loi vous en donne le droit! Car l’élaboration d’un plan social repose sur une négociation qui peut générer des tensions, notamment entre personnes concernées par le licenciement et celles dont l’emploi est sauvé. Négocier, c’est un métier, d’autant plus difficile lorsqu’on est personnellement concerné. Le réseau politique et médiatique ainsi que les conseils d’un syndicat seront donc utiles, à plus forte raison si l’employeur, lui, s’est fait conseiller par des spécialistes externes.
Et mon conseil aux employeurs: soyez de bonne foi et examinez sérieusement les propositions que vous feront les employés. D’abord parce que la bonne foi est une pierre angulaire de la cohésion sociale. Et ensuite parce que ces propositions, venues de personnes qui connaissent l’entreprise de l’intérieur, permettent très souvent de sauver des emplois, d’atténuer les conséquences sociales – mais aussi d’éviter le coût de licenciements abusifs ainsi que les conséquences en termes d’image et juridiques qui vont avec.
Jean Christophe Schwaab
Docteur en droit et auteur de l’ouvrage Le droit du travail en Suisse: 100 questions-réponses issues de la pratique
100 questions pour tout savoir sur le droit du travailDans quels cas parle-t-on de mobbing? Que faire en cas de harcèlement sexuel au travail? Un employeur peut-il diminuer unilatéralement le salaire d’un employé? L’employé peut-il échanger ses vacances contre de l’argent? Peut-on s’absenter du travail pour garder son enfant malade? Qu’est-ce qu’un congé abusif? Voici quelques-unes des 100 questions qu’aborde Le droit du travail en Suisse. Dans un langage clair et accessible, Jean Christophe Schwaab amène chaque réponse de manière détaillée et nuancée. Un guide pratique et essentiel, à mettre entre toutes les mains. |
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