Véritable objet populaire, œuvre incontournable dans l’histoire de l’art, la Marilyn de Warhol n’est plus à présenter. Et pour cause, l’artiste a traité la photo de la star en série de portraits aux variations subtiles. Un magnifique hommage à la pin-up qui continue à fasciner des années après sa mort? C’est ce qui se dégage du travail de l’artiste new-yorkais… du moins, à première vue. Alors que L’œil à l’œuvre vient de paraître, les deux auteurs, Nicole Gaillard et Antonio Albanese, nous invitent à redécouvrir cette œuvre iconique.
Des images en série
Imaginez-vous face à cette série de visages dans un musée. Au premier coup d’œil, ce qui frappe, ce sont les couleurs: vives, flashy. «C’est vraiment la marque de fabrique de Warhol, ces teintes dont les contrastes donnent des images lisses, en aplat, précise Antonio Albanese. Il utilisait la sérigraphie, une technique d’imprimerie permettant de créer des images en série. D’ailleurs, il appelait son atelier la ‘Factory’, l’usine.»
«Avec l’idée de création à la chaîne,
l’art devient une industrie».
Cette terminologie prend tout son sens quand on se souvient que l’œuvre s’inscrit dans le pop art, un mouvement artistique postérieur à l’art abstrait. «À l’époque, on souhaitait se détacher de l’ego de l’artiste qui ‘habitait’ ses créations, avec son geste, son coup de pinceau. Ici, avec l’idée de création à la chaîne, l’art devient une industrie.» Dans la représentation de Warhol, la sérialité tient un rôle crucial: Marilyn se dédouble en images aussi attirantes que l’avait été la star de son vivant.
Fascination mortuaire
Ça, c’est ce qui se dégage au premier coup d’œil. Mais, quand on observe une œuvre, il faut y regarder à deux fois. C’est là qu’une autre lecture, bien plus dérangeante, émerge. «Les couleurs ajoutées débordent le dessin et accentuent l’impression du stéréotype, analyse Nicole Gaillard. Marilyn en ressort désincarnée, comme si on avait supprimé son identité.» Sous la patte de l’artiste, Marilyn devient une caricature d’elle-même. Un objet de consommation, une image publicitaire.
Marilyn devient une caricature d’elle-même. Un objet de consommation, une image publicitaire.
Par ailleurs, l’impression de vide est renforcée par le fait que Warhol a créé la série en août 1962, après la mort de Marilyn. L’œuvre traduit une fascination mortuaire, comme le relève Nicole Gaillard: «Sur ces images, Marilyn est presque monstrueuse: les couleurs exagérées la défigurent. On retrouve l’ambiguïté de la femme fatale, dangereuse et séduisante.» En travaillant à partir d’une image, Warhol a fabriqué de nouvelles représentations de la star, qui nous éloignent de la réalité. Démultipliée, il ne reste d’elle que le mythe.
Si cette œuvre date de plus de soixante ans, elle garde toute sa pertinence à une époque où les images tendent à perturber la notion d’authenticité. Alors, la prochaine fois que vous irez dans un musée, ou que vous contemplerez de l’art urbain, faites travailler votre regard. Si les images mentent, elles en disent beaucoup à qui prend le temps de les observer!
Un outil pratique pour les enseignants d’histoire de l’artIntégralement remanié, Regards croisés change de titre et de format en 2018. Rebaptisé L’œil à l’œuvre, l’ouvrage se présente comme un support de cours pour le secondaire II. Présenté dans un gabarit léger, le livre offre un tour d’horizon des courants artistiques du XXe siècle, tout en permettant aux enseignants de structurer leurs cours de manière flexible et efficace. |
Pour aller plus loin
- Musée Warhol à Pittsburgh, Pennsylvania (USA).
- Galerie photos de Marilyn Monroe.
- Marilyn Monroe, ou la mythification de la jeunesse. Analyse du «Diptyque Marilyn» d’Andy Warhol.