Si l’heure est plutôt au désengagement, voire à la sortie du nucléaire en Europe occidentale (seules la France – 58 réacteurs en activité – et la Finlande construisent de nouvelles centrales), il en va autrement dans le reste du monde: une soixantaine de nouvelles centrales sont en construction dans le monde, dont une vingtaine uniquement en Chine.
Des projets similaires existent pour 150 nouvelles installations dans des pays fonctionnant jusque-là sans électricité nucléaire: Turquie, Bangladesh, Biélorussie, Arabie Saoudite, Jordanie, Mongolie, etc. Il convient également de rappeler qu’environ 150 centrales ont déjà été débranchées pour raison d’âge, si bien que le nombre total de réacteurs mis en activité dans le monde depuis une soixantaine d’années est approximativement de 600.
Approximativement 600 réacteurs nucléaires ont été mis en activité dans le monde.
L’actualité nucléaire des dernières années a essentiellement concerné l’état des installations, les accidents ou la fermeture des centrales civiles. Il est intéressant de faire un petit retour sur ce qui fut à l’origine de notre électricité nucléaire: l’arme atomique. Oui, la bombe! Passé, présent et peut-être futur: accrochez-vous!
Deux célèbres, deux mille oubliées… et tant d’autres
Hiroshima et Nagasaki symbolisent l’arme atomique dans sa toute-puissance et sa cruauté mortifère. On ignore souvent que quelque 2000 bombes atomiques ont explosé depuis 1945. Testées pour la plupart dans des régions reculées du Pacifique, des steppes du Kazakhstan ou des dunes du Sahara, elles ont libéré des radiations qui affecteront des populations oubliées pendant des générations. Au plus chaud de la guerre froide, «l’équilibre de la terreur» avait conduit à la production d’environ 70’000 bombes atomiques. La chute du communisme et un soupçon de lucidité ont ramené ce nombre à 15’400 aujourd’hui. On s’endort déjà mieux. Deux bémols pour atténuer vos réjouissances: le rythme de réduction diminue et la puissance des nouvelles bombes fabriquées est toujours plus destructrice. Encore un détail: 4400 bombes sont attachées à des missiles de lancement et 1800 sont maintenues en état de «haute alerte», utilisables en quelques minutes. La clé est de ne pas y penser trop fort le soir en comptant les moutons.
Si vous êtes en vie actuellement, vous le devez à Stanislav Petrov, lieutenant-colonel en charge du Serpukhov-15.
À deux doigts de la Troisième…
Savez-vous que si vous êtes en vie actuellement, vous le devez à Stanislav Petrov? Dans la nuit du 25 au 26 septembre 1983, ce lieutenant-colonel est en charge du Serpukhov-15, une base d’alerte stratégique au sud de Moscou. Il est minuit juste passé lorsque des indications d’un satellite déclenchent les sirènes d’une alarme indiquant que cinq missiles viennent d’être lancés de la côte ouest des États-Unis en direction de l’URSS. Pensant que si les Américains voulaient réellement en finir avec l’Empire soviétique, ce ne sont pas cinq, mais des centaines de missiles qu’ils auraient lancés, Stanislav attend avant d’informer sa hiérarchie. Vingt minutes plus tard, il a confirmation qu’il ne s’agissait en fait que de rayons de soleil reflétés par des nuages. Que se serait-il passé s’il avait transmis l’information telle qu’elle se présentait sur les écrans qu’il avait devant les yeux? «Personne n’aurait osé remettre en cause mon jugement», confia-t-il plusieurs années après l’effondrement de l’URSS. Autrement dit: la réplique nucléaire aurait sans doute été immédiate.
Les missiles russes «Satan II» sont capables de vitrifier une surface grande comme la France.
Les nouveaux jouets
En mars 2018, le président Vladimir Poutine a déroulé son nouveau catalogue d’armes atomiques: des missiles se déplaçant à des vitesses hypersoniques (jusqu’à dix fois la vitesse du son) ainsi qu’un drone torpille sous-marin filant sous l’eau à 1000 km/h. On dit les nouveaux missiles RS-28 Sarmat «Satan II» capables de vitrifier une surface grande comme le Texas ou la France. Vive nos frontières hermétiques! Pour donner le change, le président Donald Trump propose de développer de nouveaux types d’armes nucléaires à la puissance limitée pour des opérations tactiques. Il précise que: «Ces armes nucléaires moins puissantes permettront de contrer la confiance mal placée des ennemis des États-Unis dans l’idée que Washington n’utilisera jamais ses armes nucléaires conventionnelles, trop puissantes et destructrices.»
La course aux armements est passée du laboratoire à la cour de récréation. Einstein avait raison en avouant ne pas savoir de quoi serait faite la Troisième Guerre mondiale, mais être tout à fait certain que, durant la Quatrième, les hommes se battront avec des cailloux et des bâtons.
Pierre-Alain Rime
Auteur de la méthode Les mondes économiques
Les mondes économiques, une méthode pour mettre en débat l’économie mondialeDestinée aux filières gymnasiale et professionnelle ainsi qu’aux cours de formation continue, cette méthode permet d’aborder l’économie politique et nationale de manière exhaustive et dynamique. La matière est régulièrement mise à jour pour refléter les tendances locales et internationales. |