Abritée par ses montagnes, la Suisse a peu à craindre de catastrophes telles que tornades ou éruption volcanique. Pourtant, elle est sujette à de nombreux phénomènes liés à sa ressource principale: l’eau. Auteur de deux outils d’enseignement de la géographie au niveau du secondaire II – Cours d’eau 1: Événements hydrologiques extrêmes et Cours d’eau 2: Valais, gestion de l’eau en mutation –, Matthias Probst, formateur à la Haute école pédagogique de Berne et collaborateur scientifique à l’Institut de géographie de l’Université de Berne, nous donne quelques explications sur les évolutions climatiques auxquelles le pays a fait face par le passé – et auxquels il fera encore face à l’avenir.
Précipitations intenses
Du fait de sa topographie en pente, la Suisse est depuis longtemps un terrain propice aux précipitations (pour l’instant, le record annuel est détenu par la ville de St-Gall avec 2837 mm). Néanmoins, leur intensité est une donnée nouvelle. «Avec le réchauffement climatique, les variations saisonnières seront plus importantes, explique Matthias Probst. En été, les précipitations intenses seront plus fréquentes et, durant les autres saisons, les précipitations moyennes augmenteront. En raison du rehaussement de la limite pluie-neige, ces dernières seront moins souvent stockées sous forme de neige et s’écouleront donc directement.» Si l’or bleu tend à se raréfier dans de nombreux pays du monde, les pluies extrêmes ont pour leur part de nombreuses conséquences désastreuses, dont l’érosion des sols, les coulées de boue ou les glissements de terrain.
Crues à répétition
Autre effet des précipitations, les crues engendrent en moyenne des dégâts à hauteur de 340 millions de francs suisses chaque année. Inondations en plaines, érosion des berges et ruptures des digues sont autant de conséquences directes. Les cas de gel ou de sécheresse influencent la porosité du sol et amènent à un ruissellement de l’eau jusque dans les lacs et les rivières. «Depuis 1987, le pays a connu douze crues importantes, alors qu’on n’en avait eu aucune lors des dix décennies précédentes.» Le pays a alors élargi le lit des rivières, aménagé des bassins de rétention et construit des berges artificielles. Toutefois, comme le soulève le géographe, «les crues continuent à poser problème aujourd’hui. Il n’existe pas de protection absolue contre les événements extrêmes, mais il est possible de diminuer les risques par une utilisation de l’espace consciente des dangers.»
«Il faut concilier les intérêts sociaux, économiques et écologiques, qui ne vont pas toujours ensemble, et cela représente un grand défi»
Sécheresses
Phénomène complémentaire et pourtant paradoxal: la Suisse subira de plus en plus de sécheresses dans les prochaines décennies. Ce problème est notamment dû à la fonte des glaciers. «L’eau qui s’en écoule va dans un premier temps – à peu près jusqu’en 2040 – être très abondante, puis inexistante lors des moments de l’année où on en aura le plus besoin.» De quoi rappeler les sécheresses des étés 2003, 2011 et 2015, où la canicule avait accablé les plaines. À l’époque, dans certaines régions, les autorités avaient interdit d’arroser les jardins, de remplir les piscines ou de laver les voitures. S’il s’agit là d’activités de loisirs, le problème touchera surtout les agriculteurs, qui ne seront plus en mesure d’irriguer leurs champs. D’où la nécessité de réfléchir aux moyens de gérer l’eau de manière optimale.
Optimiser la gestion de l’eau
Justement, quelles mesures concrètes peut-on prendre pour empêcher ces événements météorologiques extrêmes? Comme pour tout problème de grand enjeu, la réponse est problématique et soumise à plusieurs hypothèses: «À l’heure actuelle, les géographes s’accordent à dire que la création de lacs d’accumulation pourrait résoudre le problème, déclare Matthias Probst. Ces lacs à buts multiples, principalement situés en montagne, serviraient à répartir la distribution des précipitations tout au long de l’année, en stockant les pluies tombées en automne, en hiver et au printemps, et en alimentant les zones sèches en été.»
Les glaciers auront pour la plupart disparu d’ici à la fin du XXIe siècle
Néanmoins, le géographe rappelle que ce système ne pourra être efficace qu’avec une bonne gestion de l’eau. Mais qui dit démocratie dit souvent lenteur des procédés, alors que la situation presse de plus en plus: «à Crans-Montana, tous les acteurs se sont réunis autour d’une table dans le cadre d’un projet de planification, notamment les responsables des communes. Le souci, c’est qu’il faut concilier les intérêts sociaux, économiques et écologiques, qui ne vont pas toujours ensemble, et cela représente un grand défi.»
Disparition des glaciers
Si la prise de conscience des changements climatiques ne date pas d’hier, le géographe se dit toujours étonné de constater le nombre de gens surpris par le fait que les glaciers auront pour la plupart disparu d’ici à la fin du XXIe siècle: «Pour nous, c’est une certitude avec laquelle la population suisse devra composer. L’important, à présent, c’est d’agir et de travailler ensemble pour répondre à ces changements le mieux et, surtout, le plus vite possible.»
L’anecdoteComme le rappelle l’historien et journaliste Grégoire Nappey dans Histoire suisse, la Suisse n’a pas été épargnée par les catastrophes naturelles dans son histoire, notamment lorsqu’un tsunami a déferlé sur les berges du Léman en 563: «La montagne Tauredunum (peut-être le Grammont, dans le Chablais valaisan) s’est écroulée sur un bourg fortifié (peut-être le Bouveret) et dans le lac. Cela a provoqué un raz-de-marée qui a fait d’importants dégâts matériels et humains. Même Genève a été touchée: son pont a été détruit et de nombreuses personnes tuées.» |
Pour aller plus loin
- Ressource pédagogique de Cours d’eau 1 sur le site de l’Atlas hydrologique de la Suisse: «Événements hydrologiques extrêmes»
- Ressource pédagogique de Cours d’eau 2 sur le site de l’Atlas hydrologique de la Suisse: «Valais – gestion de l’eau en mutation»