Les roches sont d’étranges spécimens. Elles ne respirent pas, pourtant, elles ont une très longue histoire. Par ailleurs, elles ne sont pas nées en Suisse. Les roches ont pour origine les croûtes de l’ancienne Europe et de l’Afrique, des sédiments déposés sur leurs rives, ainsi que le fond de l’ancien océan Téthys. Quand vous les ramassez, vous tenez entre les mains les témoins de temps où les reptiles marins comme les plésiosaures ou les ichtyosaures nageaient encore dans les mers, quand la plupart des espèces végétales et animales actuelles – dont l’être humain – n’existaient pas. À l’aide de ces six portraits-robots, il ne vous reste plus qu’à les traquer!
Les roches ont pour origine les croûtes de l’ancienne Europe et de l’Afrique, ainsi que le fond de l’ancien océan Téthys.
Roches de l’ancienne Europe
1. Marbres dolomitiques
Ces roches sont nées pendant le Trias (-240 à -220 millions d’années), période pendant laquelle des dinosaures primitifs foulaient le sol du supercontinent de la Pangée. Lorsque cette dernière se fracture pour former l’océan Téthys, elles se forment dans ses lagunes peu profondes, dans un climat chaud et tropical. Formées de dolomite et d’un peu de calcite, elles appartiennent ainsi à la famille des roches sédimentaires, et forment des couches de couleur beige jaune en surface. Sur leurs cassures, elles présentent souvent une texture rappelant du sucre blanc.
2. Quartzites
À l’inverse des marbres dolomitiques, formés en bordure de mer, les quartzites ont pour origine l’intérieur des terres – les plaines inondées de la Pangée. À cette époque, des pluies diluviennes recouvrent d’immenses étendues, menant à la naissance de ces futures roches, d’abord sous forme de sable. Elles sont aussi plus anciennes: -260 à -240 millions d’années, du Permien au Trias. Reconnaissables à leur aspect blanc et brillant, ces roches sédimentaires se débitent facilement en plaquettes selon leur teneur en micas, un minéral en feuillets, très friable. De par leur aspect brillant, ces pierres très communes en Suisse représentent un véritable trésor à chasser avec les enfants.
Roches de l’ancien océan Téthys
3. Calcschistes
C’est un saut à la fois dans le temps et dans l’océan qu’il convient de faire pour trouver l’origine des calcschistes. Nés durant le Crétacé (-110 à -80 millions d’années), période des dinosaures iconiques comme le Triceratops ou le reptile marin au long cou Élasmosaure, ils se forment au fond de l’océan, sous forme de dépôts de sables et d’argile calcaires. Cette origine sédimentaire et «sableuse» se retrouve dans leur texture feuilletée et friable, de couleur brunâtre, et les petites strates brillantes qui les composent. Composée de calcite et de quartz, cet aspect lustré est quant à lui dû à la présence d’anciennes argiles: les micas.
4. Serpentinites
C’est encore plus profondément que se forment les serpentinites. Contrairement aux marbres, aux quartzites et aux calcschistes, ces roches ne sont pas d’origine sédimentaire, mais magmatique, c’est-à-dire qu’elles se forment à de très hautes températures, dans le magma à la base de la croûte océanique. Leur âge est toutefois plus vénérable que celui des calcschistes, puisque ces roches trouvent leur origine dans le Jurassique précoce (-200 à -170 millions d’années). Principalement composées de serpentine, elles sont reconnaissables à leur couleur vert foncé ainsi qu’à leur texture soyeuse et fibreuse, très douce au toucher.
Roches de l’ancienne Afrique
5. Métadiorites
Un saut en arrière de plus d’une centaine de millions d’années ainsi que de l’autre côté de la Téthys nous amène dans la croûte de l’ancienne Afrique. Là sont nées les métadiorites, au cœur d’une chambre magmatique située sous le continent. La date de naissance devient ici plus que canonique, puisque ces roches datent du Paléozoïque récent (-290 à -270 millions d’années), avant la formation même de la Pangée. D’aspect cristallin, ces roches présentent des minéraux blancs et verdâtres bien visibles – les feldspaths et amphiboles qui les composent.
6. Gneiss brun
Si les métadiorites sont très anciennes, cette dernière roche l’est encore plus. Plus de 150 millions d’années les séparent des gneiss brun, qui figurent parmi les roches les plus vieilles que vous pourrez découvrir sur les sentiers de l’arc alpin (Paléozoïque ancien, -550 à -450 millions d’années). Très dures, un peu schisteuses, les gneiss sont composées de quartz, de feldspaths et de micas. Souvent oxydées en surface, elles présentent des points de couleur blanche et grise.
À l’origine, leur forme primaire a trouvé naissance dans les sables argileux des rivières et deltas de fleuves d’une très ancienne terre émergée. Elles sont donc composées d’anciens sédiments continentaux. Pourtant, elles n’appartiennent pas à la famille des roches sédimentaires, mais métamorphiques. Il y a -60 à -20 millions d’années, lorsque la plaque africaine a «glissé» sous sa voisine européenne, elles furent drastiquement transformées par les hautes pressions subies en profondeur, donnant un mélange entre roches sédimentaires et magmatiques.
Conférence
Savez-vous que le Cervin a les pieds dans l’eau? Si beaucoup ont en tête que le plus célèbre sommet de Suisse est composé des roches de l’ancien continent africain, peu de gens savent qu’il se tient sur les vestiges pétrifiés de l’océan Téthys.
À l’occasion de la parution de leur dyptique de géoguides sur Zermatt, les géologues Michel Marthaler et Micha Schlup donnent une conférence gratuite, destinée au grand public. Un éclairage sur les 500 millions d’années qui ont construit le patrimoine géologique de Zermatt.
L’événement aura lieu le jeudi 10 août de 19h30 à 21h30 au Matterhorn Museum, Zermatlantis, 3920 Zermatt. Plus d’informations sur le site de Zermatt Tourisme.
Une collection pour dévoiler le secret des rochesL’histoire de la Terre est profondément inscrite dans nos paysages. C’est ce que souhaite raconter la collection de guides de randonnées géologiques Raconte-moi les cailloux. Destinés à toute personne amatrice de montagne, de nature ou de randonnée, ces livres ont pour but de donner des clés d’éveil pour déchiffrer le secret des roches sous nos pieds. Des histoires d’anciens continents, d’océans pétrifiés – il y a plusieurs centaines de millions d’années. Le premier titre, écrit par Michel Marthaler, s’intitule Moiry: de l’Europe à l’Afrique et porte sur la randonnée autour et au-dessus du barrage de Moiry. Les deux livres suivants, Zermatt: un safari océanique et Le Cervin: de l’Europe à l’Afrique, coécrit avec Micha Schlup, docteur en géologie, forment un diptyque sur la géomorphologie géologie de Zermatt. |
Pour aller plus loin
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