Vous les avez sans doute remarqués au fil de vos promenades sur les sentiers des Alpes suisses. Les lichens, ces organismes qui poussent sur les roches comme une seconde peau. Il s’agit en effet de plantes parasites, survivant dans des environnements extrêmes, des plaines désertiques aux pics des montagnes. Toutefois, si ces organismes y sont communs, ils ne sont pas dénués d’intérêt. «Les lichens nous donnent aussi des informations sur les roches qu’ils recouvrent», explique Micha Schlup, coauteur de deux livres de randonnées géologiques: Zermatt: un safari océanique et Le Cervin: de l’océan à l’Afrique.
Cette sorte de lichen ne grandit que de 0,5 à 2 millimètres par année, soit quelques centimètres tous les cent ans.
Amateur de silicium
Les lichens qu’on trouve sur les roches alpines sont dits de type «crustacé». Ce nom est lié au fait qu’ils poussent en croûte, de manière extrêmement lente. De fait, cette sorte de lichen ne grandit que de quelques dixièmes de millimètre par année, soit quelques centimètres tous les cent ans. Une particularité qui permet aux géologues d’estimer à quel moment les roches se sont retrouvées à l’air libre lors de leur érosion. Pourtant, l’une des informations les plus précieuses réside dans le fait que certains types de lichens privilégient des roches riches en matériaux qui favorisent leur survie et leur développement.
«La présence de lichen vert sur une roche indique souvent des roches magmatiques.»
Ainsi, le lichen de couleur vert-jaune – ou rhizocarpon geographicum – ne pousse que sur des roches riches en silicium, présent dans le silicate ou le quartz. Il s’agit de l’un des éléments principaux de nombreux sables à travers le monde, ainsi que de la croûte terrestre. «La présence de lichen vert sur une roche indique souvent des roches magmatiques ou métamorphiques, comme les gneiss et les métabasaltes dans la région de Zermatt. À l’inverse, il déteste le calcium contenu dans les calcschistes et les marbres, et ne pousse donc jamais sur ce type de roche.»
Des lichens sur l’Afrique
À Moiry ou à Zermatt, on les retrouve notamment «en Afrique», c’est-à-dire sur les vénérables gneiss, des granites formés il y a plus de 300 millions d’années au fond de la croûte de l’ancien continent africain. 250 millions d’années plus tard, les continents européen et africain sont entrés en collision suite à leur rapprochement, entraînant de nombreuses roches en profondeur. L’érosion due au cycle de l’eau et aux processus glaciaires les a dégagées voici cent à quelques milliers d’années, soit hier à l’échelle des temps géologiques. Ce n’est qu’à ce moment que les lichens ont commencé, lentement mais sûrement, à recouvrir ces vestiges des temps anciens.
Une collection pour dévoiler le secret des rochesL’histoire de la Terre est profondément inscrite dans ses paysages. C’est ce que souhaite raconter la collection de guides géologiques Raconte-moi les cailloux, dont le premier titre est paru en juin 2019. Destinés à toute personne amatrice de montagne, de nature ou de randonnée, ces livres ont pour but de traduire le langage muet des cailloux et de donner des clés d’éveil pour déchiffrer le secret des roches sous nos pieds. Après Moiry: de l’Europe à l’Afrique, de Michel Marthaler, deux nouveaux titres coécrits avec Micha Schlup viennent étoffer la collection: Zermatt: un safari océanique et Le Cervin: de l’océan à l’Afrique. |
Pour aller plus loin
- Découvrez tous les titres de Raconte-moi les cailloux
- Sentier géologique à Moiry