En décembre dernier, le manager d’une chaîne de restauration au Kansas, Olive Garden , préoccupé par la hausse de l’absentéisme, a fait scandale en écrivant à son personnel en termes assez fermes que, s’ils manquaient le travail «parce que leur chien est mort», il faudrait le prouver «en apportant son cadavre». Et le manager de poursuivre: «Si vous voulez manquer le travail à cause d’une urgence familiale, et que vous ne pouvez pas dire: ‘ben tant pis’, trouvez-vous un autre job!».
L’employeuse n’a pas à connaître la raison de l’absence indiquée sur le certificat médical.
La période où il suffisait de dire «je peux pas, j’ai Covid» étant heureusement derrière nous, je vous propose de nous repencher sur les règles suisses en matière d’absences au travail.
À titre expérimental, dans une réflexion autour du langage inclusif, et afin de refléter une autre réalité du monde professionnel, j’ai choisi d’accorder les noms au féminin.
Le congé en cas d’incapacité de travail
Lorsqu’une employée est en incapacité de travail en raison d’une maladie, d’un accident, d’une grossesse ou de l’accomplissement d’une obligation légale, elle a le droit de manquer le travail. Elle a aussi droit au paiement de son salaire aux conditions suivantes:
- En cas de maladie (ou d’une incapacité de travail liée à la grossesse) et si les rapport de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois, l’employée a droit au paiement de son salaire à 100% (art. 324a CO) pendant une période limitée, qui dépend de son ancienneté («échelle de Berne»).
- Si son employeuse a conclu une assurance perte de gain maladie, elle touchera des indemnités correspondant à 80% de son salaire pendant au maximum 730 jours, parfois après un à trois jours d’attente («jours de carence»).
- Si l’employée est payée à l’heure ou a un volume de travail irrégulier, elle a aussi droit au paiement de son salaire, qui sera calculé sur la moyenne des douze derniers mois.
- En cas d’accident ou de maternité, c’est l’assurance-accident (AA), respectivement l’assurance perte de gain (APG) qui versera des indemnités journalières.
- Le droit à un congé payé est valable aussi lorsque l’employée doit assumer une fonction publique qu’elle n’a pas sollicitée (p. ex. témoin dans un procès).
Le certificat médical
Le droit au congé en cas d’incapacité de travail n’est valable qu’à condition que l’employée en apporte la preuve de l’incapacité. Cette dernière est prouvée grâce à un certificat médical. L’employeuse peut exiger le certificat dès le premier jour d’absence, même si bon nombre d’entre elles font preuve de souplesse et ne l’exigent que dès le troisième jour.
La Fédération des médecins suisses (FMH) accepte qu’un certificat médical puisse être établi a posteriori après quelques jours (mais sans être antidaté, ce qui en ferait un faux). Quoi qu’il en soit, le certificat médical n’a pas à contenir d’autres informations que:
- le fait que l’employée est bien inapte au travail ;
- le pourcentage éventuel de l’incapacité ;
- sa durée.
Quant à la raison de l’absence, l’employeuse n’a pas à la connaître, car elle relève du secret médical.
Cheffe, mon fiston fait de la fièvre!
Lorsque c’est un enfant qui est malade, les parents ont droit à trois jours de congé payé par cas de maladie (art. 36 LTr). Dans ce cas aussi, l’employeuse peut exiger un certificat médical dès le premier jour, lequel doit attester que l’enfant a besoin de la présence du parent. L’employeuse ne peut pas exiger que ce soit l’autre parent qui prenne en charge l’enfant. S’occuper de son enfant est une obligation personnelle de chaque parent et elle n’a pas à se mêler de l’organisation familiale de ses employées, d’autant plus que ce genre de situation survient en général à l’improviste et ne laisse guère de temps pour s’organiser.
Si la maladie devait durer plus de trois jours, les parents doivent utiliser cette période pour s’organiser pour la suite. Il n’y a qu’en cas de maladie très grave de longue durée (aux conditions de l’art. 16o LAPG) qu’ils peuvent prétendre au nouveau congé de 14 semaines pour s’en occuper (art. 329i CO).
Le congé payé de trois jours existe aussi pour s’occuper d’un membre de la famille atteint dans sa santé (nouvel art. 329h CO). Contrairement au congé pour s’occuper d’un enfant malade, il est toutefois limité à un total de 10 jours par an. Comme pour les enfants, l’employée qui veut en bénéficier doit apporter la preuve de l’atteinte à la santé et de la nécessité de la prise en charge. Là encore, l’employeuse ne peut pas refuser le congé au motif qu’un autre membre de la famille pourrait prendre le relai.
Les congés durent de quelques heures à trois jours, en fonction des circonstances.
Et les certificats «de complaisance»?
L’employeuse ne peut pas écarter la validité d’un certificat médical rédigé par un médecin agréé, même si elle considère, à l’instar de certains parlementaires proches des milieux patronaux, qu’un grand nombre de certificats médicaux seraient «de complaisance» (ce que personne n’a jamais pu prouver). Elle ne peut pas imposer le recours systématique à un médecin-conseil qu’elle désignerait afin de confirmer la véracité du certificat présenté par l’employée, mais seulement en cas de soupçons fondés d’abus.
Cependant, si l’employée refuse de se soumettre à un tel examen, elle risque fort de voir la crédibilité de son premier certificat réduite à néant. Lors d’une incapacité de travail de longue durée, l’obligation de consulter un médecin-conseil (de l’employeuse ou de l’assureur perte de gain maladie) est admissible, notamment lorsque cela est prévu par les conditions générales de l’assurance. Lorsque l’employeuse impose le recours à un médecin-conseil, les frais sont à sa charge.
Les congés «usuels»
Mais il n’y a pas que la maladie qui empêche de travailler. Il y a aussi toute une série de bonnes raisons qui donnent droit à un congé payé. Il s’agit des «congés usuels» (art. 329 al. 3 et 4 CO), c’est-à-dire les situations où il ne peut raisonnablement pas être exigé de l’employée de se présenter à son travail: mariage, mariage d’un proche, décès d’un proche, visite médicale (aussi pour son enfant, par exemple un contrôle du développement), déménagement.
Ces congés durent de quelques heures à trois jours, en fonction des circonstances concrètes: préparer son propre mariage donne droit à un congé plus long que s’il s’agit juste d’assister à celui d’un ami, de même que le décès de son père ou de sa fille requiert plus de temps qu’assister aux obsèques de son arrière-grande-tante par alliance. Et déménager dans le village d’à côté est plus rapide qu’au fin fond des Grisons.
Cette liste permet de s’y retrouver, mais elle n’est qu’indicative. Si l’employée peut justifier de s’absenter plus longtemps, l’employeuse doit lui accorder la durée nécessaire. L’employée doit toutefois aussi tenir compte des intérêts de cette dernière; il lui faut prioritairement s’organiser pour s’occuper de ses affaires en dehors de son temps de travail. Et en cas de travail à temps partiel, il faudra en priorité faire en sorte de s’absenter pendant son temps libre, sauf raison impérieuse (p. ex. traitement médical régulier tombant un jour travaillé).
Et si Médor est mort?
Le décès d’un animal de compagnie, fût-il un vrai membre de la famille, ne donne en principe pas droit à un jour de congé (y compris si on présente sa dépouille à un employeur aussi méfiant que Olive Garden). L’employeuse devra tout au plus, au titre de son obligation de protéger la personnalité de son personnel (art. 328 CO), tenir compte de la probable tristesse de son employée et de l’impact qu’elle pourra avoir sur la qualité de ses prestations. En revanche, la visite au vétérinaire impossible à organiser en dehors des heures de travail donne droit à un congé usuel.
Jean Christophe Schwaab
Docteur en droit et auteur de l’ouvrage Le droit du travail en Suisse: 100 questions-réponses issues de la pratique
100 questions pour tout savoir sur le droit du travailDans quels cas parle-t-on de mobbing? Que faire en cas de harcèlement sexuel au travail? Un employeur peut-il diminuer unilatéralement le salaire d’un employé? L’employé peut-il échanger ses vacances contre de l’argent? Peut-on s’absenter du travail pour garder son enfant malade? Qu’est-ce qu’un congé abusif? Voici quelques-unes des 100 questions qu’aborde Le droit du travail en Suisse. Dans un langage clair et accessible, Jean Christophe Schwaab amène chaque réponse de manière détaillée et nuancée. Un guide pratique et essentiel, à mettre entre toutes les mains. |
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