Quand on lui demande pourquoi il a voulu devenir médecin, la réponse semble toute simple: «Pour aider les gens.» Médecin, titulaire d’une formation postgrade en santé publique, ancien chercheur et évaluateur de missions humanitaires au Comité international de la Croix-Rouge (CICR), son parcours a de quoi donner des complexes même à ses anciens collègues de cours. Autre ligne de cet impressionnant C.V., il est aussi l’un des auteurs de la collection Comprendre, dont chaque titre permet d’appréhender une facette du pays. Son livre, La santé en Suisse, un ouvrage de vulgarisation pour comprendre le fonctionnement et les enjeux du système, bénéficie d’une nouvelle édition entièrement mise à jour selon les derniers chiffres et lois en vigueur.
«Les médecins devront se rapprocher de leurs patients, dans une optique de dialogue et d’échange.»
Le goût de l’engagement
Comment en arrive-t-on là, à moins de 40 ans? Selon le natif de Chêne-Bougeries, grâce à un «goût de l’engagement» transmis par son grand-père belge, un pasteur ayant séjourné au Congo et au Rwanda. «Mon père était infirmier, ma mère médecin, ça aide aussi», précise-t-il en souriant. Cet héritage familial, il le voit aussi comme un choix pour trouver du sens à la vie. Alors que l’adolescence est synonyme de passivité pour beaucoup de jeunes, lui s’engage dans le milieu associatif dès l’âge de 12 ans. Il passe d’abord par le Parlement des Jeunes de la ville de Genève, puis à la Boîte à Boulots et enfin, non des moindres, chez les Samaritains, un choix qui semble préparer son entrée à la Faculté de médecine de l’Université de Genève.
Pourtant, Simon Regard aurait tout aussi bien pu devenir diplomate. «Dès le collège, j’ai pris des cours facultatifs de biologie par intérêt scientifique, mais j’ai toujours été intéressé par les grandes questions humanitaires et géopolitiques.» Puisqu’il faut choisir, ce sera la médecine, qu’il juge «plus pratique». Simon Regard suit facilement ce cursus qui voit actuellement de nombreux étudiants échouer chaque année. Une réussite qu’il explique grâce à un «coup de chance» dû au curriculum académique des années 2000. «À l’époque, il y avait une plus grande emphase sur les sciences sociales, où j’étais meilleur qu’en ‘sciences dures’. Je me suis fait aider pour les cours de chimie organique. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que je repasserais tous les examens!»
Une vocation humanitaire et humaniste
Un scénario qui aurait été bien dommage, car Simon Regard n’attend pas la fin de ses études pour se consacrer à une autre vocation, humanitaire cette fois-ci. Pour son troisième stage de médecine, il suit les traces de son grand-père et s’envole pour le continent africain, au Ghana. Il s’agira, pour le tout jeune médecin, «d’une bonne baffe». Pourtant, il réitère l’expérience avec un stage en psychiatrie au Rwanda, à l’époque où la communauté trouve des moyens pour faire face aux suites du génocide. «Les Rwandais avaient mis sur place un système unique de tribunaux populaires, qui s’inscrivaient dans une optique de réparation et de peines mises en place par la communauté dans son ensemble.» L’expérience est tellement enrichissante qu’il fait son service civil au CICR, où il œuvre par la suite comme chercheur, s’intéressant notamment aux thématiques de la vaccination et de la sécurité du personnel de santé dans les zones de conflit.
L’humanitaire n’a de sens que si les acteurs locaux sont impliqués.
Toutefois, il affirme que l’humanitaire n’a de sens que si les acteurs locaux sont impliqués. «Ce n’est pas à nous de venir dire ‘c’est comme ça que vous devez faire’. Il s’agit d’une cocréation d’idées. Notre but est de donner aux employés de là-bas la possibilité de se faire entendre et d’être mis en contact avec d’autres professionnels, afin d’optimiser ce qu’ils font déjà.» En évoquant ses expériences en Afrique subsaharienne, il ne cache pas son admiration pour les secouristes locaux – son domaine de prédilection, en tant que médecin urgentiste –, qui agissent avec nettement moins de moyens qu’en Europe et arrivent néanmoins à faire la différence pour sauver des vies. «J’en retire énormément. Et si certains de mes rapports finissent dans un tiroir, ce n’est pas grave, tant qu’il y a quelque chose à gagner des deux côtés.»
Le médecin dans la rue
S’il repart souvent en Afrique pour des missions ponctuelles, Simon Regard est bien ancré ici, à Genève, où il s’est spécialisé dans les premiers secours. Aujourd’hui, il partage son quotidien entre une activité de médecin urgentiste aux Hôpitaux universitaires de Genève et un poste en santé publique à l’État de Genève. Un grand écart aussi étonnant que nécessaire. «Être derrière un bureau me permet d’être partie prenante des enjeux de santé publique, particulièrement pour le futur. Mais je ne pourrais jamais abandonner le terrain. J’aime les gens, et cette possibilité d’intervenir dans des situations d’urgence, dans la rue ou chez eux, offre une intimité et une proximité impossibles dans le service de médecine interne d’un hôpital.» De ces moments extrêmement chargés en émotions, où vie et mort sont étroitement liées, il retient entre tous un accouchement à domicile. Car pour lui, le médecin se doit aussi de sortir de sa tour d’ivoire pour aller à la rencontre des gens.
«Même les médecins ont de la peine à se retrouver dans la complexité du système de santé suisse»
C’est aussi cette certitude qui l’a poussé à proposer sa thèse de master en santé publique aux Éditions Loisirs et Pédagogie, comme ébauche pour un livre de vulgarisation grand public sur le sujet, convaincu que c’est en comprenant les choses qu’on peut les changer. Le pari est réussi: La santé en Suisse sort en 2012, bientôt suivi par une traduction en allemand. Un projet dont il a réalisé la nécessité pendant ses études. «Notre système de santé repose sur de bonnes bases, mais il est extrêmement complexe, et à bout de souffle. Même les médecins ont de la peine à s’y retrouver: pendant mes études, beaucoup d’étudiants ne savaient pas ce qu’était une prime ou une franchise. L’ouvrage donne une vision globale, tant pour les professionnels que pour les patients, afin de mieux comprendre et d’agir sur les dynamiques qui sous-tendent la santé dans notre pays.»
Justement, comment voit-il le futur de ce système dont les coûts croissants font l’objet de critiques de toute part? Simon Regard ne se départit pas de son sourire serein: «La réponse n’est pas simple, car le milieu de la santé fait face à de nombreux défis. Mais une chose est sûre: les médecins devront se rapprocher de leurs patients, dans une optique de dialogue et d’échange, afin de les inviter à devenir acteurs de leur santé.» De son côté, il souhaite continuer à favoriser, avec bienveillance et humilité, les liens entre les différents acteurs du système. Avec, toujours, un seul mot d’ordre: s’engager.
Pour tout savoir sur La santé en SuisseInscrit dans la collection Comprendre, l’ouvrage La santé en Suisse bénéficie d’une nouvelle édition en 2018. L’occasion de mettre à jour tous les chiffres et informations d’un système extrêmement dynamique. Écrit par Simon Regard et illustré par Mix & Remix, le livre relève l’audacieux défi de présenter le domaine de manière simple et accessible. Au sommaire, notamment: un aperçu des nombreuses professions de la santé, les différents types de soins prodigués, les assurances qui participent au financement du système de santé ou les enjeux auxquels ce dernier doit faire face pour perdurer. |
Pour aller plus loin
- Plus d’informations sur le livre La santé en Suisse
- Sur notre blog: «La santé en Suisse: comment endiguer la hausse des coûts?»