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Le «piercing», une formation en devenir

par | 2 mai 2018 | Daniel Fleischmann, Papiers d'auteurs

Le piercing, une activité professionnelle où la formation a longtemps été informelle.
En Suisse, de nombreux métiers ne bénéficient pas d’une formation professionnelle. Alors que La formation professionnelle en Suisse vient de paraître, Zalea Uberti, apprentie pierceuse, livre le témoignage d’une profession qui, jusqu’il y a peu, impliquait un apprentissage informel.

Avant, il n’y avait que des boucles d’oreilles; aujourd’hui, le piercing a gagné toutes les parties du corps. Ce métier ne fait l’objet d’aucune formation professionnelle reconnue. Zalea Uberti l’apprend quand même. Voici son témoignage.

«Je suis peut-être un peu spéciale. Ma mère l’était aussi. Par exemple, elle a inventé mon prénom, a vécu deux ans en Inde et porte depuis un piercing à la lèvre. J’ai passé mes dernières années scolaires à l’École d’humanité de Hasliberg, une école privée qui prévoit notamment des cours de biologie en extérieur. Je me retrouve maintenant dans une situation analogue: j’apprends le piercing.

Un tiers de notre clientèle vient nous voir avec de mauvais piercings que nous devons réparer.

En dehors de ma mère, personne dans ma famille ne comprend que je suive cette formation. Il n’y a pas de véritable apprentissage en piercing et le métier a encore une réputation douteuse. Un tiers de notre clientèle vient nous voir avec de mauvais piercings que nous devons réparer. Hier, nous avions une jeune femme qui pleurait parce que son piercing lui avait fendu le nombril. Aujourd’hui, nous avons conseillé une jeune fille dont le double piercing à l’oreille n’était pas propre. C’est un métier très intéressant sur le plan artisanal, médical, esthétique, historique ou social. Les jeunes qui aimeraient commencer ne manquent pas.

Je passe trois jours ici, dans le studio, et le reste du temps avec mon fils. Un apprentissage à plein temps serait impossible. Mon chef, M. Rossi, et moi, sommes toujours à deux dans le studio. Les premières semaines, mon travail consistait avant tout à préparer les instruments nécessaires au piercing, puis à les nettoyer correctement ou à les éliminer après l’usage. Les directives sont celles que la Suva destine aux cabinets médicaux concernant la «prévention des infections par voie sanguine». Aujourd’hui, je maîtrise le bain de désinfection, le lavage par ultrasons et la stérilisation à la vapeur; peu à peu, M. Rossi me laisse effectuer d’autres tâches. Je reçois la clientèle, je remplis les fiches d’inscription, je remplace les bijoux, et j’ai déjà placé mes premiers piercings.

C’est un métier très intéressant sur le plan artisanal, médical, esthétique, historique ou social.

Le premier jour de la formation, M. Rossi m’a remis La bible du piercing, rédigée en anglais. J’étais fière de pouvoir lui dire que je possédais déjà ce livre depuis l’âge de 14 ans. À l’époque, je n’avais pas compris grand-chose, mais aujourd’hui, ce livre, de même que l’ouvrage d’Erich Kasten, écrit en allemand, Body Modification, sont mes livres de travail. Ils ne présentent pas de structure didactique, mais je les lis en fonction des thèmes qui m’intéressent, à la maison ou au studio, pendant les moments de temps libre. De plus, j’utilise des livres, des films et un classeur d’apprentissage qui comprend les directives de la Suva mentionnées et un manuel d’une centaine de pages de l’association américaine des professionnels du piercing, qui contient des normes de qualité ainsi que des processus professionnels.

Mon chef est ma principale source d’apprentissage. J’accompagne M. Rossi dans son travail et je l’observe. Je lui pose des questions, il me répond avec patience et me guide dans mes propres travaux. Pendant les cours d’hygiène, j’ai fait la connaissance d’une jeune femme qui a dû elle-même déjà percer au bout de dix jours dans le cadre d’un stage du même genre. Elle se sentait complètement dépassée.

Mon chef est ma principale source d’apprentissage.

Je ne sais pas quand ma formation se terminera. Il n’y a ni examen ni plan de formation. Nous ferons le bilan au bout d’un an et j’imagine qu’elle durera deux, peut-être trois ans. Ensuite, j’aimerais être indépendante: c’est mon rêve. Et il n’a rien d’irréalisable.»

Texte: Daniel Fleischmann et Zalea Uberti
Traduction: Henri-Daniel Wibaut

 

La formation professionnelle en Suisse

Ce témoignage est extrait de Berufsbildung in der Schweiz, un ouvrage paru en 2014 chez HEP-Verlag. Intitulée La formation professionnelle en Suisse, la traduction française vient de paraître aux Éditions Loisirs et Pédagogie, en collaboration avec l’Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP).

Le livre s’articule comme un ouvrage de référence de cette filière typiquement helvétique, qui permet chaque année à des milliers de jeunes et d’adultes de tout âge de valider leurs compétences. Destiné aux spécialistes, aux profanes, ainsi qu’aux étudiants intéressés par ce type de cursus, il offre une précieuse vue d’ensemble du sujet.

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