Après des années autour du globe, de la Belgique aux États-Unis, Benjamin Knobil a posé ses valises en Suisse. Passionné de théâtre, ce quinquagénaire a fondé la compagnie de théâtre nonante-trois. Metteur en scène, comédien, il est depuis 2016 l’auteur des livres pour enfants Petchi, dont l’adaptation au théâtre a fait ses débuts à Neuchâtel le samedi 9 décembre. Entretien avec ce Franco-américain, «citoyen du monde» et suisse d’adoption.
Les livres pour enfants, ça doit bouger, être vivant, comme le théâtre.
Comment en êtes-vous arrivé à écrire des livres pour enfants?
Benjamin Knobil: À l’origine, je fais du théâtre pour les enfants. L’aventure Petchi m’est tombée dessus par hasard, respectivement en 2005 et 2015, quand j’ai mis en scène les spectacles de Sautecroche: dans ce cadre, j’ai rencontré sa créatrice, Marie Henchoz, et la directrice des Éditions LEP, Nathalie Kücholl Bürdel. C’est cette dernière qui m’a lancé le défi d’écrire ces livres. Vu que j’aime travailler à la commande et jouer avec les paramètres, l’idée m’a tout de suite séduit.
Comment se passe la «mise en image» avec Anne Wilsdorf? Y a-t-il un décalage entre votre imaginaire et le sien?
Selon moi, les livres pour enfants, ça doit bouger, être vivant, comme le théâtre. Le choix s’est porté sur Anne Wilsdorf, car je lisais ses livres à mes vfilles quand elles étaient petites. Mon écriture et son dessin se complètent parfaitement. Ce qu’elle rend est toujours mieux que ce que j’avais imaginé. Si je devais choisir le dessin qui me ressemble le plus, ce serait celui de Petchi et les animaux du cirque, quand Petchi pénètre dans une roulotte remplie d’animaux. Elle est tellement douée que moi aussi, je redécouvre toujours des détails dans ses dessins, comme un enfant.
Comment alliez-vous votre occupation de dramaturge et l’écriture de livres pour enfants?
Les livres pour enfants doivent être un plaisir tant pour l’enfant que pour l’adulte. Chaque histoire est une petite mise en scène et chaque illustration est truffée de détails destinés à faire rêver, à créer un suspense, pour qu’on ait envie de tourner les pages. Quand l’enfant ouvre le livre, il faut que ce soit une fête. Les Petchi sont donc empreints de culture théâtrale. L’adaptation des livres en pièce de théâtre va être montée au Théâtre du Pommier à Neuchâtel, au Centre pluriculturel et social d’Ouchy à Lausanne et au Théâtre de Grand-Champ, à Gland. Nous avons prévu de projeter les dessins d’Anne et de cadrer sur ces détails qu’on ne voit pas de prime abord.
En tant que garçon, je constate que près de 90% du monde est créé pour nous. Je souhaitais remédier à cette injustice.
Comment vous est venue l’idée de l’héroïne?
Je suis père de deux filles. En tant que garçon, je constate que près de 90% du monde est créé pour nous. Je souhaitais remédier à cette injustice en créant une héroïne, ni mignonne, ni passive, qui soit rêveuse et active par la force de sa fantaisie. À mon sens, les garçons prennent le monde tel qu’il est, alors que les filles sont plus «rentre-dedans» et pétillantes. Je dois me «dégarçonniser» pour écrire les livres et j’ai beaucoup de plaisir à imaginer ce que cela donnerait de voir le monde par leurs yeux.
Le nom de Petchi, qu’est-ce que cela évoque? Et celui de la vache Voilà-Voilà?
En tant qu’«exilé» franco-américain, je m’amuse beaucoup des particularités linguistiques de Suisse romande. Pour les livres, je voulais des noms typiquement vaudois. Le «petchi» vient de l’éducation de mes filles. À la maison, je refusais de dire des gros mots et quand je voulais signifier que leur chambre était mal rangée, je disais que c’était le « petchi » au lieu de b… On se comprend! Quant au doudou, je voulais un nom qui se dédouble, car c’est souvent comme ça que les enfants formulent les prénoms de leurs peluches. Et ils sont souvent invraisemblables! D’où l’idée de donner un nom dérivant d’une locution typiquement vaudoise: Voilà-Voilà.
Quel est votre regard sur la Suisse?
En 1991, quand j’ai visité la Suisse romande pour la première fois, je revenais d’un voyage dans les pays de l’Est. À cette époque, ma première impression, c’était que la région ressemblait à un pays slave, à ceci près que les magasins étaient remplis! Mais aujourd’hui, la Suisse romande a changé: elle est plus vivante, plus curieuse. Quand il a fallu choisir entre élever mes filles à Paris ou à Lausanne, la réponse était évidente: un endroit avec une ouverture sur le lac et de vraies places de jeux, où les enfants n’ont pas à se battre pour un carré de balançoires! C’est un endroit où j’ai énormément de plaisir à vivre. Mon émerveillement d’«exilé» m’aide donc à mettre des mots sur celui de Petchi.
Petchi en vadrouille: la pièce de théâtre
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Pour aller plus loin
- Sur Benjamin Knobil: le site de la compagnie nonante-trois
- À quoi ressemble l’univers de Petchi? Suivez le guide!