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Quelle réalité pour une Suisse sans glaciers?

par | 14 janvier 2020 | Interviews, Matthias Probst

Comme tous les glaciers suisses, le glacier de Moiry a nettement reculé ces dernières années, laissant apparaître la moraine de son lit.
Alors que les glaciers fondent à une vitesse phénoménale, la Suisse doit impérativement repenser sa gestion de l’eau de manière durable. Éclairage avec Matthias Probst, auteur d’un moyen d’enseignement sur le sujet et collaborateur scientifique à l’Institut de géographie de l’Université de Berne. 
Portrait de Matthias Probst

Matthias Probst, formateur à la Haute école pédagogique de Berne et collaborateur scientifique à l’Institut de géographie de l’Université de Berne.

À l’heure où les changements climatiques chamboulent le paysage de la Suisse, la question se pose: comment préserver les ressources en eau nécessaires à notre quotidien? En 2017, Matthias Probst a publié le deuxième module de la série Cours d’eau, intitulé «Valais – gestion de l’eau en mutation». Ce moyen d’enseignement est destiné à l’enseignement de la géographie au secondaire II et disponible en ligne sur l’Atlas hydrologique de la Suisse. Lors d’une rencontre à l’Institut de géographie de l’Université de Berne, où il travaille en tant que collaborateur scientifique – et où, clin d’œil à notre sujet, on ne sert plus que de l’eau en carafe, venue tout droit du robinet –, le géographe donne quelques éléments de réponse.

«La difficulté résidera surtout dans le fait de stocker l’eau, qui ne sera plus retenue en hiver par la neige et la glace»

La Suisse, «château d’eau de l’Europe». Avec les changements climatiques du XXIe siècle, cette affirmation est-elle toujours exacte?

Matthias Probst: Avant toute chose, il faut préciser que cette notion suscite une représentation erronée, qui sous-entend que l’eau est sans limite en Suisse. Comme dans le cas de toute ressource, c’est faux. Mais il est vrai que, du fait de la situation géographique de la Suisse, avec l’influence des Alpes sur les courants d’air humide, la quantité de précipitation annuelle en Suisse restera à peu près la même jusqu’en 2100, même si cette dernière sera moins bien répartie sur l’entier de l’année. En revanche, il s’agira d’une Suisse sans glaciers, car ils auront pour la plupart disparu d’ici à la fin du siècle. C’est ce que nous expliquons, entre autre, dans le premier module de Cours d’eau. La difficulté résidera surtout dans le fait de stocker l’eau, qui ne sera plus retenue en hiver par la neige et la glace à cause de la hausse des températures. Le problème auquel la population doit faire face est avant tout la mutation de la gestion de l’eau.

 

Comment faire pour changer les mentalités?

Les répercussions des changements climatiques globaux sont parfois difficilement concevables au niveau régional. Pourtant, en Suisse, on commence à en voir les conséquences. Nous devons avant tout nous préparer et œuvrer ensemble à une stratégie pour une gestion durable de l’eau, afin de rendre les gens conscients de leur impact et du fait que les ressources ne sont pas infinies.

«Les lacs d’accumulation permettraient de mieux distribuer les ressources sur l’ensemble de l’année»

Le pays est-il à même de conserver durablement ses ressources d’eau?

Oui, mais seulement si – j’insiste bien sur l’hypothétique – on résout au préalable le problème de la gestion de l’eau. Mes collègues et moi sommes convaincus que l’option des lacs d’accumulation, à buts multiples, est une bonne solution. Si les glaciers fondent, leur aménagement permettrait de la stocker lors des moments de l’année où les précipitations sont les plus abondantes et de mieux distribuer les ressources sur l’ensemble de l’année. Ainsi, on pallierait les périodes de pénurie. Ce type de projet ne peut réussir que si toutes les communes et tous les acteurs dans une région sont prêts à collaborer en faveur d’une gestion intégrée de l’eau. Le défi, c’est de trouver une synergie entre les intérêts économiques (couvrir les besoins en eau des secteurs touristique agricole et tertiaire), sociaux (répartir les coûts et les bénéfices liés à la gestion de l’eau) et écologiques (préserver les écosystèmes et garantir la qualité de l’eau).

«Il faut s’adapter aux changements climatiques, mais le fera-t-on assez vite?»

Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de la Suisse en termes de gestion d’eau?

Oui, car il est encore temps d’agir. Toutefois, dans une démocratie, l’art du dialogue est à la fois une force et une faiblesse. En asseyant tous les acteurs autour d’une table, la prise de décision est extrêmement lente. Une question que je me pose, c’est à quel point ces décisions devraient être imposées du bas ou du haut pour que les stratégies pour une gestion durable avancent: d’un côté, il y a les communes, qui possèdent un énorme savoir local, de l’autre, les autorités scientifiques et fédérales, qui ont davantage un intérêt global en tête. On arrive trop souvent à des décisions de consensus, qui ne sont pas toujours suffisantes. En Suisse, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut s’adapter aux changements climatiques. La question qui demeure est: le fera-t-on assez vite?

 

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