
Raymonde-Caffari Viallon, autrice de «Pour que les enfants jouent». © Photo Olivier Maire
C’est Noël. Sous le sapin, beaucoup de cadeaux. Les plus gros paquets contiennent des jouets, tout le monde le sait. Pour les adultes, un livre, un parfum, un bon d’achat, ça ne prend pas beaucoup de place. Mais les garages, les duplos, les trottinettes et les maisons de poupées, c’est volumineux.
Les enfants saisissent les gros paquets, arrachent la ficelle frisée, déchirent le papier, ouvrent le carton, sortent le jouet. Et ils sont contents. Les adultes aussi, qui avaient, harassés, couru les magasins, hésité, fait la queue pour payer, puis caché la chose au fond d’une armoire pour la ressortir au moment magique.
Le jeu comme besoin
Le jouet reçu devient accessoire de jeu. Accessoire, et non moteur. Un enfant qui joue inclut des objets dans son projet de jeu, jouets ou autres, selon son intérêt. Jouer, pour lui, n’est pas une envie ou un passe-temps, mais un besoin. Quand il joue, il grandit. L’essentiel de son activité ludique sert son développement. Il exerce son corps, il utilise ses sens, il explore l’environnement matériel et social, il se découvre lui-même, il invente, il combine, il réfléchit. Et il met en jeu ses émotions, mais «pas pour de vrai», sans enjeu en quelque sorte.
Quand l’enfant joue, il grandit.
Ce caractère vital du jeu – et non «des» jeux – implique que nous, adultes, le rendions possible. Il ne s’agit pas de l’organiser mais d’offrir aux enfants un cadre de vie où ils puissent créer ce dont ils ont besoin, maintenant: bouger ou être tranquille, parler ou se taire, inventer un monde ou imiter le quotidien. Pour cela il faut de l’espace, du temps, de la tolérance et du respect. Ainsi, nous favorisons l’initiative pour que le joueur puisse créer ce dont il a besoin, maintenant: besoin de bouger ou d’être tranquille, besoin de raconter ou de se taire, besoin de susciter un autre monde en déplaçant des objets ou besoin de jouer dans sa tête, tout simplement.
Le rôle des jouets
Et les jouets? Auxiliaires du jeu de l’enfant, ils peuvent avoir un caractère quasi indispensable: une poupée pour jouer au papa ou à la maman, un vélo pour faire des prouesses. Toutefois, un objet quelconque fait souvent l’affaire: une chaise renversée sera une voiture qui satisfera pleinement son conducteur, les cailloux pourront être des pommes de terre pour la dînette, des sous dans le porte-monnaie ou le chargement d’un camion, qui lui-même est un petit carton. Et le jouet, au même titre que n’importe quel objet – pour autant qu’il soit permis de l’utiliser – «rencontre» l’élan ludique de l’enfant. De cette manière, il sert le jeu.
Donc, le choix d’un jouet pour Ewan ou Emma est un pari. On tient compte de leur âge et de ce qu’on sait de leurs goûts. Parfois on tombe juste, et le jouet sera utilisé, investi, aimé. Parfois on est trop tôt: le jouet sera délaissé, puis, plus tard, fréquemment employé. Parfois, le beau jouet, estampillé «bon», en bois, solide, au design étudié, développé par des spécialistes, se verra préférer une horreur en plastique. Une rencontre, avons-nous dit, qui comporte toutes les incertitudes dont sont porteuses les rencontres.
Les jouets sont fabriqués pour être vendus. Ils doivent donc être attractifs, et attractif ne signifie pas forcément adéquat ou intéressant.
Et, rassurons-nous, les enfants ne sont pas beaucoup meilleurs que nous quand il s’agit de choisir. Ils veulent absolument ce jouet repéré dans le catalogue ou dans le magasin. Ils le demandent avec insistance, sont d’accord d’attendre, se réjouissent, et ne joueront peut-être guère avec l’objet tant désiré. Les jouets sont fabriqués pour être vendus. Ils doivent donc être attrayants, et attrayant ne signifie pas forcément adéquat ou intéressant. C’est une loterie.
Alors, ne nous étonnons pas et ne soyons pas déçus quand le petit pour qui nous avions soigneusement choisi un jouet conçu pour son âge et ses intérêts le délaisse après quelques manipulations au pied du sapin, au profit du carton et de la ficelle qui l’emballaient. Ils vont se révéler, le temps du jeu, absolument passionnants.
Raymonde Caffari-Viallon
Auteure de Pour que les enfants jouent et coresponsable de la traduction française de Manger à la crèche
Pour aller plus loin
- Pour que les enfants jouent, livre-manifeste sur l’importance du jeu spontané dans le développement de l’enfant
- Manger à la crèche: pour une organisation attentive à l’enfant et à ses besoins, de Dorothee Gutknecht et Kariane Höhn
- Portrait de Raymonde Caffari-Viallon sur le site du quotidien suisse 24 heures