Voir écrite la suite de son livre. C’est ce qui est arrivé à Mary Wenker, autrice d’Hasan venu d’ailleurs, un album jeunesse illustré par Amélie Buri. Destiné à sensibiliser les enfants aux enjeux de la migration, il raconte le parcours d’Hasan, un jeune garçon qui fuit son pays en guerre pour traverser la Méditerranée et venir, seul, en Europe. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais c’était sans compter la volonté d’une enseignante belge, Sophie Boland, ainsi que la créativité de ses élèves de 11 à 12 ans.
«Outre la portée qu’il a eu pour la cohésion de la classe, écrire pour l’autrice du livre s’est révélé particulièrement gratifiant.»
«C’est la directrice de la Foire du livre de Bruxelles qui m’a conseillé cette rencontre avec Mary Wenker. J’y vais chaque année et recherche toujours une rencontre privilégiée et intimiste avec une ou un auteur», explique-t-elle. L’atelier se déroule très bien, avec, notamment, une lecture de l’album. À l’issue de la rencontre, une élève demande à Mary Wenker si elle a prévu une suite. La réponse ne tarde pas à fuser: «Non, mais vous, vous pouvez l’écrire!»
Un projet collectif
À première vue, les élèves semblent avoir un intérêt à relever le défi lancé par l’autrice. Toutefois, au retour du week-end, Sophie Boland se demande si l’intérêt de ses élèves sera intact. «Lundi matin, je leur ai demandé qui souhaitait écrire la suite de l’histoire d’Hasan. Toutes les mains se sont levées!» Pourtant, l’exercice n’est pas aussi facile qu’il y paraît, les élèves peinant à se projeter dans la vie d’un jeune migrant à peine arrivé en Europe. «Les enfants restaient trop dans leur quotidien de leur petite ville de Wezembeek-Oppem, témoigne l’enseignante. Hasan voulait recevoir un petit chat, s’inscrire au club de hockey… Mais ses besoins, son apprentissage de la vie dans un pays étranger, restaient absents.»
Même dans des situations malheureuses, le hasard fait parfois bien les choses. C’est le moment où une petite Ukrainienne intègre justement la classe à cause de la guerre qui frappe son pays. «Elle et sa maman ont accepté de témoigner de ce qu’elles avaient vécu. La capitale bombardée, la maison de campagne où la famille s’était réfugiée. Surtout, elle et une petite Hongroise, arrivée il y a quelque temps dans la classe, ont témoigné de leurs difficultés dans leur intégration en Belgique: le fait d’avoir de la peine à comprendre et être comprise. Et donc, la difficulté à tisser des liens d’amitié avec les autres.»
Écrire pour quelqu’un
Forte de ces discussions, la classe se remet au travail, cette fois de manière collective. Réécrits à six mains, les récits individuels prennent corps de manière commune. Les histoires sont ensuite lues en classe, en présence de la directrice de l’école. Avec son soutien et celui de Sophie Boland, les élèves désignent le meilleur texte, que l’enseignante fait suivre à Mary Wenker. Enthousiasmée, l’autrice le soumet alors à sa maison d’édition pour une publication sur Livre ouvert, son journal en ligne.
Quand elle revient sur cette expérience, Sophie Boland témoigne du sens amené par ce projet: «Outre la portée qu’il a eu pour la cohésion de la classe, leur représentation de la différence, écrire pour l’autrice du livre, dans l’idée que leur texte sera lu, s’est révélé particulièrement gratifiant. Et de voir, à leur tour, le fruit de leur travail prendre une autre vie, est une fantastique conclusion à tout ce travail collectif!» Une preuve que les belles histoires ne se trouvent pas seulement dans les livres. Parfois, elles s’écrivent aussi grâce à eux. Celle de la classe de Wezembeek-Oppem se trouve ci-dessous.
Hasan venu d’ailleurs – la suiteQuelques mois plus tard, Hasan est rentré en sixième primaire. Il s’était bien intégré et connaissait la langue. Un jour, il s’est rendu à l’école et sa maitresse lui a présenté un nouvel élève qui était syrien et aussi réfugié. Après avoir fait la connaissance de ce Syrien qui s’appelait Sélim, ils se sont assis l’un à côté de l’autre en classe. À la récréation, Sélim et Hasan ont commencé à sculpter des figurines en bois. Intrigués, les autres enfants de la classe les ont rejoints et ont sculpté des animaux. Mais un élève de la classe, Mattéo, n’y arrivait pas. Sélim lui a donc appris une technique qu’Hasan ne connaissait pas non plus. Elle était pratique pour réaliser des petites choses comme des lunettes, des valises, des objets qui pouvaient tenir dans leurs mains. Tous les jours, après l’école, Hasan invitait Sélim pour l’aider à faire ses devoirs et ses leçons. Mais comme ils ne parlaient pas la même langue, ils communiquaient avec des gestes et des dessins. Et après leurs devoirs, ils continuaient à faire des petites figurines. Ils sont devenus meilleurs amis. Un vendredi après l’école, c’était l’anniversaire de Sélim. Hasan et sa classe ont décidé de lui organiser une fête. Ils avaient acheté des ballons, ils avaient fait un gâteau et ils lui avaient offert un cadeau. Quand Sélim est arrivé dans la salle de fête, il était surpris, content et ému car personne ne lui en avait jamais organisé. Pour les remercier, il leur a parlé pour la première fois en français et leur a dit: «Merci!» FIN |
Pour aller plus loin
- Commandez l’album jeunesse Hasan venu d’ailleurs
- Découvrez le dossier pédagogique du livre
- Portrait de Mary Wenker, autrice, humanitaire et pédagogue
- Choosehumanity, son ONG active auprès des réfugiés en Grèce
- Le site internet de l’illustratrice Amélie Buri
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Mary Wenker et Amélie Buri, les invitées du 12h30 de la RTS
Interview de Mary Wenker et Amélie Burri, autrices et illustratrices de «Hasan venu d’ailleurs», livre sur le parcours d’un jeune mineur non accompagné d’origine afghane.