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Qui sont Les Walser en Suisse? Carte d’identité en 4 points

par | 1 novembre 2022 | Auteurs, Découverte de la Suisse, Découvertes, Henri Rougier

Fauchage sauvage sur le Pfiffermad (1950 m), Klosters (Grisons). La chèvre accompagne le paysan et le garçonnet pour leur fournir du lait pendant les deux à trois jours du fauchage, vers 1950.
À l’occasion de la parution du livre À la découverte des Walser en Suisse du géographe Henri Rougier, découverte de ce peuple de montagnards à travers 4 facettes emblématiques.
Henri Rougier

Henri Rougier, géographe et auteur des livres «À la découverte des Walser en Suisse» et «60 lieux à découvrir en Suisse». © Photo Olivier Maire

Ces hommes et femmes ont colonisé les sommets suisses en passant par les cols. En haut des montagnes, dans des endroits réputés inhospitaliers pour l’être humain, ces groupes se sont adaptés à leur environnement en déboisant les pentes et en y aménageant champs et pâturages. Voyez-vous de qui nous parlons? Il s’agit des Walser, peuple installé depuis le Moyen-Âge sur les hauts plateaux des Alpes. Si le sujet est méconnu, il a pourtant durablement façonné l’histoire de notre pays, dont les montagnes font partie de l’imaginaire collectif, particulièrement en tant que paysage imprenable. Publié cette année à titre posthume, le livre À la découverte des Walser en Suisse du géographe Henri Rougier dresse leur portrait à travers 30 lieux emblématiques dans les Grisons, au Valais et au Tessin. Mais de qui parle-t-on, en peu de mots? Réponse en 4 points.

Les Walser trouvent des terres où personne n’aurait songer aller, soit au sommet des montagnes.

1. Il s’agit d’un peuple suisse de migrants

L’épopée des Walser commence avant l’an mil. À cette époque, des groupes montagnards venus de l’Oberland bernois s’établissent en haute vallée du Rhône. À l’origine de cette migration, on retrouve chez ces paysans une volonté de trouver des terres pour vivre et élever leurs enfants. Ils les trouvent où personne n’aurait songé aller, soit au sommet des montagnes, plus précisément la vallée supérieure de l’Aar. Il s’agit de la première tentative de fonder un espace aménagé en haute montagne, dans le but pérenne d’en faire un territoire.

Une seconde vague de migrations survient au XIIIe siècle et se propage beaucoup plus bas en Valais, jusqu’à atteindre Loèche. Le Haut-Valais devient germanisé et demeure depuis une terre germanophone. Par la suite, c’est à nouveau l’essor démographique, ainsi que la prospérité arrachée de haute lutte à la montagne, qui poussera les colons à traverser vallées et cols pour peupler les sommets à l’est de la Suisse.

2. Colonisateur des montagnes en passant par leurs cols

Les Walser choisissent un itinéraire surprenant pour coloniser les vallées alpines – les cols, tirant charrettes et chargements avec abnégation, dans des conditions difficiles. Toutefois, si de tels passages ont été rendus possibles, c’est aussi parce qu’ils ont eu lieu avant le Petit Âge de Glace survenu au XVIe siècle. En effet, aux antipodes de l’époque actuelle, cette période avait vu une avancée spectaculaire des glaciers et un refroidissement généralisé, notamment dans les Alpes. Avant ce phénomène, les colons bénéficient ainsi d’un climat propice – dans la vallée de Conches, les céréales pouvaient même être cultivées jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude!

Migration Walser

La migration des Walser par les cols.

Où qu’ils s’installent, les Walser défrichent ainsi les pentes pour y aménager terrains de culture et d’alpage. La première se concentre sur le seigle, le second sur l’élevage, particulièrement de bovins, parfois de moutons, de porcs et de poules. À travers cet aménagement du territoire, les Walser modifient durablement le paysage des cimes, tant par leurs champs que leurs villages dispersés. Toutefois, comme souvent lorsque les êtres humains impriment leur marque sur un environnement, cette empreinte n’est pas sans dommage. Ainsi, les sols ont parfois été fragilisés par le déboisement, comme sur les pentes de l’Heinzenberg, à Tschappina, créant des glissements de terrain qui, d’ordinaire, sont davantage le fait naturel de l’érosion.

3. Architectes de constructions ingénieuses

Ce déboisement permet malgré tout aux Walser de récolter bois et pierre pour construire leurs maisons. Les spécialistes en architecture médiévale ont établi qu’il fallait en moyenne 80 fûts de mélèzes ou d’épicéas pour construire une bâtisse de deux étages. Typiquement, la maison walser est composée de pièces d’habitation en bois, alors que le soubassement et les murs de la cuisine sont en pierre, probablement pour éviter les incendies. À l’extérieur, on prévoit souvent un important espace de stockage pour le bois, car à plus de 2000 mètres d’altitude, la provision de bois de chauffage pour l’hiver doit subvenir aux besoins pour à peu près 9 mois!

Mazot sur pilotis

Le mazot sur pilotis est emblématique des villages et hameaux créés par les Walser.

Si la maison walser est difficile à définir et devrait plutôt être regroupée sous la dénomination de «maison du Gothard», ou maison alpine, une architecture emblématique de cette culture est le mazot sur pilotis, dans lequel les paysans entreposaient les réserves de céréales et de fourrage durant l’hiver. Il s’agit d’un dépôt de bois constitué de deux parties – les fondations et la structure supérieure, posée sur quatre socles en forme de champignons. En effet, cette conception surélevée empêchait les rats de grimper pour dévorer les précieuses réserves. Une solution ingénieuse, adaptée à un environnement de montagne souvent régi par les extrêmes météorologiques.

4. Leur nom signifie littéralement «valaisan»

Comme leur dénomination l’indique, les Walser ont pour berceau géographique le canton du Valais. De fait, le mot est la contraction de Walliser, qui signifie «Valaisan», quoique les Walser aient également colonisé des parties du Tessin et des Grisons. Il est également important de noter qu’il s’agit d’un peuple germanophone. En effet, c’est davantage la langue, bien plus que la religion catholique ou protestante, qui constitue leur appartenance et leur identité. De la même manière, à l’inverse des Romanches, qui favorisent des «villages-tas» facilitant la communication et la proximité, les Walser sont adeptes d’un habitat dispersé, qui reflète leur individualisme et leur système de vie autarcique. D’où cette remarque des personnes les plus âgées, qu’on pourra qualifier dans un sourire de «traditionnellement suisse», quand on les questionne sur la vie d’autrefois: «On était heureux, car on n’allait pas voir ce qu’il se passait ailleurs»!

À la découverte des Walser en Suisse

Écrit par Henri Rougier, ce parcours de 30 lieux propose de partir à la découverte d’un peuple suisse méconnu: les Walser. Enrichi de nombreuses illustrations et archives, il offre un regard différent sur le Valais et les Alpes.

 

Henri Rougier, une vie tournée vers les sommets suisses

Français d’origine, il était Suisse de cœur par sa passion pour la géographie helvétique – particulièrement le peuple des Walser, auquel il avait consacré sa thèse de doctorat. Professeur émérite de géographie à l’Université Lyon 3, Henri Rougier (1945-2020) a publié de nombreux ouvrages aux Éditions Loisirs et Pédagogie.

De l’incontournable Zermatt aux lieux insolites de la Suisse, il a passé sa vie à explorer et mettre en lumière les différentes facettes des paysages suisses. Amorcé pendant ses dernières années de vie, À la découverte des Walser en Suisse survit à son auteur avec une parution à titre posthume. Ce livre est ainsi une occasion de rendre hommage à un ami de longue date et, surtout, de lui dire merci.

 

Pour aller plus loin

Thématiques: Alpes | Montagne | Suisse | Valais | Walser

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