Le numérique est l’un des défis principaux de l’école d’aujourd’hui. Près d’un an après la publication du plan d’action en faveur de l’éducation numérique de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), les cantons romands commencent à mettre en œuvre leurs solutions. Un morcellement typiquement suisse, dénoncé par le Syndicat des enseignants romands (SER) en août dernier, qui réclame plus d’harmonisation. Toutefois, ce procédé a le mérite de mettre en avant les solutions plurielles pour l’enseignement du numérique à l’école. À l’occasion d’une table ronde organisée par les Éditions Loisirs et Pédagogie dans le cadre de l’événement «Lire à Lausanne» en septembre 2019, des intervenants des cantons de Vaud, Genève, Berne et Fribourg ont été invités à s’exprimer sur le sujet et à présenter la stratégie adoptée par leur canton.
Développer une distance critique par rapport aux médias et au numérique
Le numérique au gymnase et l’école obligatoire
Pour l’heure, force est de constater que la majorité des cantons sont encore en phase de test. Selon Nicolas Tavaglione, secrétaire général adjoint du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du canton de Genève, en charge de la coordination et du suivi du programme «Numérique à l’école», il est important de faire la différence entre l’enseignement par le numérique et l’enseignement au numérique: «Le premier représente un enseignement d’autres branches à travers les outils numériques – comme les tablettes –, qui peuvent présenter une plus-value pédagogique. Le second implique des cours pour enseigner l’informatique en tant que discipline, à l’aide d’outils pédagogiques adaptés.» Pour introduire cet enseignement dans les écoles genevoises, l’une des premières étapes sera l’adoption de quatre périodes au niveau du secondaire II – collège, gymnase ou lycée selon les cantons – dès la rentrée 2020.
Les enfants passent 4 heures par jour de semaine devant les écrans. Le week-end, ce chiffre passe à 7.
Ainsi, à Genève, la solution part du «haut» vers le «bas», soit du collège au primaire. Dans le canton de Vaud, en revanche, on a suivi la logique contraire. «L’an dernier, nous avons débuté la phase pilote au 1er cycle, c’est-à-dire pour les élèves de 4-8 ans et, dans l’intervalle, plus de 350 enseignants ont été formés, explique Cesla Amarelle, conseillère d’État en charge du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture du canton de Vaud. D’ici à 2022, nous comptons implémenter la phase de généralisation, du primaire au gymnase.» À travers cette approche, les élèves seront amenés à développer les compétences suivantes: une distance critique par rapport aux médias et au numérique, ainsi qu’une connaissance du fonctionnement d’un ordinateur, comme le codage.
Conjuguer numérique et sciences de l’informatique
Selon Cesla Amarelle, les retours sont positifs: «Dans 97% des cas, les enseignants ont pu déployer pendant leurs cours les connaissances acquises dans les modules de formation». En dépit de ces résultats encourageants, la conseillère d’État souligne que la phase pilote doit encore amener des réponses à plusieurs problèmes, notamment l’évaluation des élèves, encore à définir. Par ailleurs, un autre aspect délicat est la sensibilisation à l’utilisation des outils numériques: en moyenne, les enfants et adolescents passent 4 heures par jour de semaine devant les écrans. Le week-end, ce chiffre passe à 7 – un fléau qui touche également de nombreux adultes. En somme, l’angle pédagogique de l’enseignement du numérique tient en un principe très simple: «Le but n’est pas que l’enfant se dilue dans l’outil, mais qu’il le maîtrise.»
«Le but n’est pas que l’enfant se dilue dans l’outil, mais qu’il le maîtrise.»
Par ailleurs, Cédric Donner, enseignant d’informatique au Collège de Bulle, insiste sur le fait qu’il convient de distinguer le numérique de la science de l’informatique, qui inclut la programmation et la manufacture des appareils électroniques. «Ce ne sont pas les mêmes compétences. Le numérique implique une palette transdisciplinaire très large, qui va des médias à la prévention de son utilisation, tandis que l’informatique se concentre sur des aspects plus concrets d’ingénierie.» À terme, il espère que davantage d’heures seront allouées à l’enseignement de l’informatique dans les écoles fribourgeoises. Pour l’instant, le canton compte seulement 2 heures d’informatique au niveau du secondaire II.
Aujourd’hui, en Suisse romande, c’est le canton de Berne qui est le plus en avance, avec 4 heures ajoutées à la grille horaire au secondaire I, ce qui se traduit par une semaine hebdomadaire, prélevée sur les cours de français. «Nous avons démarré avec le nouveau moyen d’enseignement Connected (édité par les Éditions LEP, ndlr) et, après un mois, nous n’avons aucun retour, ce qui est très positif, , témoigne Jean-Marc Rueff, directeur du Centre MITIC interjurassien (CMIJ). Cela signifie que les enseignants arrivent à se débrouiller avec ce moyen sans trop de peine! Le Jura observe nos résultats de très près et attend une validation de la CIIP pour déterminer la suite à donner. La Suisse romande est vraiment en retard par rapport aux cantons alémaniques. C’est pour cette raison qu’il est urgent d’aller de l’avant.» Alors que les cantons romands sont encore en phase de test, l’affaire est donc à suivre pour la rentrée de l’an prochain.
Les méthodes d’enseignement du numérique des Éditions Loisirs et PédagogieSoucieuses de répondre aux besoins de leur temps, les Éditions Loisirs et Pédagogie traduisent deux méthodes d’enseignement du numérique, qui ont déjà fait leurs preuves en Suisse alémanique. La première, Connected, est destinée à l’école obligatoire et peut être introduite en 7e ou 8e année Harmos. Adaptée au public romand par le Centre MITIC interjurassien, elle aborde l’éducation aux médias et la science de l’informatique en parallèle. Connected compte quatre volumes, chacun composé d’un livre de l’élève sous forme papier et d’un manuel numérique en ligne destiné au corps enseignant. Le premier volume vient de sortir et fait son entrée dans les classes de Berne francophone depuis août 2019, suivi bientôt par les trois prochains titres. En outre, les Éditions Loisirs et Pédagogie ont publié L’informatique simplement, une traduction de la méthode Einfach Informatik, supervisée par Cédric Donner. Déclinée en plusieurs volumes en fonction des degrés et des thèmes abordés, la méthode met l’accent sur la science de l’informatique, notamment sur la programmation. Selon le niveau des élèves et l’angle pédagogique, elle peut être utilisée tant au niveau de l’école obligatoire que du gymnase. |
Pour aller plus loin
- Méthode d’enseignement au numérique Connected
- De notre blog: Connected: pour un enseignement intelligent du numérique
- L’éducation numérique, un chantier en progression dans le canton de Vaud
- Numérique à l’école: les enseignants romands réclament plus d’harmonisation, Le Temps, 13 août 2019