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Lettres aux nouveaux grands-parents: à l’école de la grand-parentalité

par | 21 décembre 2021 | Auteurs, Interviews, Simon Corthay, Vittoria Cesari Lusso

Le livre «Lettres aux nouveaux grands-parents» a pour but de favoriser la communication à une époque où de très nombreuses générations échangent et cohabitent.
La chercheuse Vittoria Cesari Lusso et l’ancien journaliste Simon Corthay publient Lettres aux nouveaux grands-parents aux Éditions Loisirs et Pédagogie. Entretien.
Simon Corthay et Vittoria Cesari Lusso

Simon Corthay et Vittoria Cesari Lusso.

C’est une idée qui pourrait paraître saugrenue. Devenir grands-parents, comme tout le reste, ça s’apprend. C’est du moins la conviction de Vittoria Cesari Lusso, qui vient de signer, en collaboration avec Simon Corthay, Lettres aux nouveaux grands-parents. Un projet à propos pour ces deux grands-parents, l’un tout récemment, l’autre depuis quelques années. C’est par la force tant de leur expérience personnelle que professionnelle que la paire a écrit ce livre à quatre mains.

En deux parties – avant et après la naissance –, l’ouvrage se décline sous forme de lettres adressées directement aux nouveaux grands-parents. Parmi les thèmes abordés, on trouve des problématiques courantes, comme les solutions de garde ou le rapport à l’éducation de l’enfant. À chaque fois, la partie épistolaire est suivie d’une partie plus théorique, pour (re)créer du lien et favoriser la communication. Car selon Vittoria et Simon, quand on parle d’histoires de famille, c’est bien de cela qu’il s’agit.

Dès que «son enfant a un enfant», on est enfin sur un pied d’égalité.

Pourquoi avoir écrit ce livre, et particulièrement sous forme de lettres?

Simon Corthay: En fait, à l’origine de notre rencontre, il y a un reportage que j’ai réalisé dans le cadre de l’émission de radio Vacarme, sur RTS La Première, en 2019. Étant sur le point, à l’époque, de devenir grand-papa, j’ai voulu me pencher sur ce thème. On m’a recommandé Vittoria, qui a largement abordé la grand-parentalité dans le cadre de sa pratique professionnelle. Elle a enrichi le premier épisode de son regard d’experte. Le courant est bien passé, et elle m’a recontacté par la suite pour me proposer de collaborer sur le livre qu’elle avait en projet.

Être grands-parents signifie retrouver quelque chose et réaliser que quelque chose se joue sans nous.

Vittoria Cesari Lusso: Oui, en tant qu’italophone, Simon m’a été très précieux pour son sens de l’élégance linguistique! Mais pas seulement. À l’origine du livre, il y avait une volonté de favoriser l’art du dialogue. Simon venant de devenir grand-papa, moi depuis quelque temps, cette double perspective a aussi enrichi le livre. En effet, l’idée n’était pas de fournir un guide de conduite, un cadeau pédagogique, pour pointer du doigt ou dire à sa fille, son fils, sa maman ou son papa, «tu fais faux». C’est aussi pour cette raison que nous avons conçu le livre sous forme de lettres, comme moyen de nous placer au niveau des lectrices et des lecteurs et de créer un langage de partage.

 

Dans Lettres aux nouveaux grands-parents, vous évoquez de nombreuses expériences qu’on vous a racontées en cabinet, mais aussi vos propres expériences de la grand-parentalité. Qu’est-ce qui se joue quand, comme vous l’écrivez, «son enfant a un enfant à son tour»?

Simon Corthay: C’est vertigineux. L’étape de la grand-parentalité nous projette dans le temps où nous allions devenir parent à notre tour. À ce moment, l’enfant qu’on a toujours connu traverse la même étape, accède à un autre statut. On retrouve quelque chose mais, en même temps, on réalise aussi que quelque chose se joue sans nous. Ce nouveau rôle est à la fois actif et passif. Et ce qui est beau, c’est que ces nouveaux statuts, pour toutes et tous, sont toujours aussi vertigineux aujourd’hui, deux ans et demi après la naissance de Joachim, car ils sont constamment réinterrogés.

Vittoria Cesari Lusso: Ce qui est difficile pour certaines personnes qui deviennent grands-parents, c’est de quitter le rôle d’éducateur. Avant, parents et enfants ne partagent rien sur un plan égalitaire. Toutefois, dès que «son enfant a un enfant», la relation devient symétrique, car une compréhension mutuelle intervient. On est enfin sur un pied d’égalité. Et cette expérience commune peut se révéler une fantastique occasion de partage, de soutien et de transmission de savoirs. Toute la question est de gérer au mieux ces nouveaux échanges. En effet, les frictions découlent toujours de la même cause, à savoir le manque de communication. Cela semble simple, dit comme ça, mais dans la pratique, cela peut se révéler très compliqué.

 

Oui, les solutions de garde, notamment, ainsi que les conseils malvenus semblent être au cœur de nombreux désaccords entre parents et grands-parents. Est-ce dû, au fond, au «droit» que chaque partie revendique dans l’accompagnement de l’enfant?

Vittoria Cesari Lusso: Oui, en un sens. Les inquiétudes des grands-parents portent presque toujours sur le bien-être de l’enfant, son état physique et psychologique (poids, heures de sommeil, propreté, problème à l’école, exposition aux écrans, etc.) Bien sûr, ces problèmes changent avec l’âge de l’enfant. Un cas typique qui me revient est celui d’une grand-maman et de sa fille qui débattaient sur la propreté de la petite-fille. La maman a fini par consulter sa pédiatre, qui allait dans son sens, et elle a pu asséner à sa mère: «tu vois, j’avais raison!» Toutefois, en consultation, je rappelle qu’il ne faut surtout pas dramatiser ce genre de désaccord. En apprenant à en parler, et surtout, à en sourire, beaucoup de problèmes se règlent facilement.

Simon Corthay: Oui, il s’agit d’ajuster les choses, car les malentendus représentent toujours des terrains dangereux. Malgré tout, je constate que le souci vient souvent du rôle des grands-parents par rapport à l’éducation. En effet, il est parfois difficile d’accepter que ce cadre soit fixé par les parents. Bien sûr, quand on garde l’enfant, particulièrement chez soi, il est nécessaire et pertinent de poser son cadre et ses règles. Chacune et chacun garde son «terrain», pour ainsi dire, mais c’est toujours celui des parents qui prime. S’il n’y a pas de mise en danger de l’enfant, il est judicieux de ne pas empiéter là-dessus.

Du reste, les enfants font très bien la différence entre les deux «systèmes» et les interrogent au fil du temps, souvent avec malice: «pourquoi on fait comme ci ou comme ça chez papi et mamie?» Et tout le monde est amené à questionner ses pratiques. Si la communication entre parents et grands-parents est bonne, cela peut amener beaucoup d’échanges et de rires, une grande source d’enrichissement.

 

Avec les nombreuses mutations de la société, les défis posés par la grand-parentalité sont-ils toujours les mêmes aujourd’hui?

Simon Corthay: À mon sens, non, pas fondamentalement. Toutefois, je constate que les injonctions éducatives sont beaucoup plus fortes pour les parents aujourd’hui! Par ailleurs, le vieillissement de la population a cela de positif qu’on n’a jamais été grand-parent aussi longtemps. Dans une famille que je connais, même les arrière grands-parents s’occupent de l’enfant. Ce ne sont plus toujours ces figures lointaines, statiques, auxquelles on donnait les bébés en tremblant de peur qu’elles les lâchent. Cela se ressent aussi aux dîners de famille, où jamais autant de générations ont échangé – jusqu’à quatre, voire cinq successives!

Vittoria Cesari Lusso: Tout à fait, l’aspect démographique est fondamental. Aujourd’hui, un enfant naît souvent avec ses quatre grands-parents encore en vie. Avec la coexistence de toutes ces générations, on dépasse le modèle d’antan, avec une ou deux figures tutélaires comme forme absolue d’autorité, que ce soit le patriarche ou la belle-mère. Avec les évolutions de la société, cette figure de «l’expert» est partagée à de nombreux niveaux.

Qui plus est, cette longévité amène aussi d’autres problématiques, particulièrement dans le cas, de plus en plus fréquent, où les grands-parents accompagnent à la fois le déclin de leurs parents très âgés, en parallèle des nouvelles et nouveaux-venus. On oublie souvent que les grands-parents représentent une force vive de notre société pour ce qui touche au soin des proches, dans la maladie comme dans la naissance. Dans ce contexte, la grand-parentalité est d’autant plus précieuse, et sa valeur doit aussi être reconnue.

«Lettres aux nouveaux grands-parents» de Vittoria Cesari et Simon Corthay

En deux parties – avant et après la naissance –, l’ouvrage se décline sous forme de lettres adressées directement aux grands-parents. Une manière de se placer au niveau des lectrices et des lecteurs.

L’enfance en débat

Proches du monde de l’éducation, c’est naturellement que les Éditions Loisirs et Pédagogie questionnent aussi la société dans laquelle nous vivons, particulièrement le thème de l’enfance. Nos livres abordent des sujets aussi riches que complexes, des dynamiques familiales à l’organisation dans les crèches, en passant par le jeu.

 

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