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Les chroniques de l’édition: imprimeur

par | 27 août 2019 | Chroniques de l’édition, Interviews

Steve Burnier est imprimeur, un métier entre artisanat et industrie.
Depuis 2011, Steve Burnier est directeur commercial à l’imprimerie PCL Presses Centrales, à Renens. Il évoque le métier d’imprimeur, la crise que traverse le secteur et les perspectives pour l’avenir.

En plein cœur de la zone industrielle de Renens, se trouvent les 4500 m2 de PCL Presses Centrales, la plus vieille imprimerie de Suisse romande, qui fête ses 242 ans cette année. Parmi ses produits phares, on compte la Feuille des avis officiels du canton de Vaud, divers dépliants et magazines du Montreux Jazz Festival, de Lausanne Tourisme ou de l’Université de Lausanne, ainsi que de nombreux ouvrages des Éditions Loisirs et Pédagogie. Si le secteur de l’imprimerie a perdu plus de 60% de ses postes en 15 ans, il emploie toujours 70 collaborateurs et imprime plus de 1660 tonnes de papier par année. Membre du comité directeur, Steve Burnier revient sur son métier, entre artisanat et industrie.

Cela fait vingt ans qu’on nous répète que le papier est voué à mourir. Pourtant, nous sommes toujours là.

Comment êtes-vous devenu imprimeur?

Steve Burnier: Cette vocation a été inspirée par mon père, qui était lui aussi imprimeur. J’ai toujours été attiré par ce métier, qui tenait alors de l’artisanat, avec les odeurs d’encre et de papier, l’idée de transposer un contenu sur le papier de manière tangible. D’abord, j’ai entrepris un CFC d’imprimeur offset, avant de me professionnaliser en Suisse alémanique chez Kodak et Heidelberg. En 2011, je suis revenu dans la région pour travailler en tant que directeur commercial aux PCL. Depuis mon enfance, je n’ai donc jamais quitté l’imprimerie, même si le secteur a énormément évolué.

Presse offset à l'action, en perspective dans un atelier.

La gigantesque machine à dix couleurs offset de l’imprimerie occupe presque toute la longueur d’une halle, soit une quinzaine de mètres.

Qu’entendez-vous par «offset»?

Les plaques offset sont les supports en aluminium sur lesquelles on fixe le papier. À l’époque, on était heureux si on imprimait trois commandes par jour, avec un temps de mise en route d’une heure par job. Aujourd’hui, avec l’industrialisation des machines, automatiques et plus rapides, les deux côtés du papier sont imprimés de manière simultanée, les temps de mise en route ont été divisés par quatre et les vitesses d’impression ont doublé.

Toutefois, le métier d’imprimeur compte encore une étape préalable, le «prépresse», qui concerne tout le travail de relecture et de contrôle des documents à imprimer, ainsi qu’une finale, la reliure. Ici, nous disposons d’infrastructures suffisantes pour faire les trois, même si la majorité des imprimeries, de taille plus modeste, sous-traite la dernière à un prestataire.

 

 

À l’ère du tout-numérique, le secteur de l’imprimerie a beaucoup changé. Comment cette crise impacte-t-elle votre travail?

En effet, il est indéniable que l’imprimerie traverse une crise structurelle. Le souci principal concerne les volumes à imprimer, qui sont en chute libre. La tendance actuelle est que la clientèle souhaite davantage de petits tirages, dans des délais plus courts. Par conséquent, les imprimeurs doivent adapter leur offre à cette nouvelle demande. Nous développons de nouvelles solutions numériques pour favoriser les commandes par internet et pour la validation en ligne des bons à tirer (ndlr: ou BAT, soit le document à valider avant l’impression). Par ailleurs, nous poursuivons nos investissements dans des presses numériques mieux adaptées que les presses offset pour répondre à la demande en petits tirages et en personnalisation.

Le souci principal concerne les volumes à imprimer, qui sont en chute libre.

Bac de chargement d'une imprimante offset et son dispositif d'entraînement des feuilles.

À l’extrémité de la machine, les feuilles vierges entrent pour être imprimées.

Que répondez-vous aux personnes qui prônent un abandon complet du papier, notamment pour des raisons écologiques?

Cet argument n’a aucun sens: c’est une forme de lobbying. On culpabilise les gens d’utiliser le papier en oubliant le fait qu’en Europe du Nord, des pays comme la Suède ou la Finlande cultivent des arbres spécifiquement destinés à l’industrie papetière, au même titre que l’agriculture dans nos régions. Il est évident qu’il faut économiser cette ressource et la traiter avec parcimonie, mais cet impératif ne doit pas faire oublier que certaines ressources polluent bien plus, comme la production des téléphones portables que nous changeons chaque année, ou les batteries de nos vélos et voitures électriques, extrêmement coûteuses en termes de recyclage et d’énergie. Comme le digital, le papier n’est ni bon ni mauvais. Toutefois, on ne peut pas réduire les problématiques qui y sont liées au simple fait de privilégier une ressource au détriment d’une autre.

Un pinceau maculé de pinture est posé sur une imprimante offset.

Les encres cyan, magenta, jaune et noir sont versées au sommet de la machine.

Avec l’avènement d’internet dans les années 2000, on a parlé de la mort programmée du papier. En 2019, que répondez-vous à une telle affirmation?

Cela fait vingt ans qu’on nous répète que le papier est voué à mourir. Pourtant, nous sommes toujours là. Même s’il tend aujourd’hui davantage vers l’industriel, l’aspect artisanal est aussi ce qui me plaît dans l’imprimerie. Aucun produit n’est jamais le même, et ce travail implique beaucoup de variété et de recherche. Par exemple, pour Le petit vade-mecum de l’édition, nous avons procédé à de nombreux échanges de «poupées» (ndlr: les maquettes de livres «blancs», qui permettent de se représenter le format) avec les Éditions Loisirs et Pédagogie. Nous représentons la dernière étape du processus de création – celle qui matérialise les projets de manière concrète. J’en suis convaincu, le secteur de l’imprimerie a toujours un futur. Néanmoins, il appartiendra seulement à celles et ceux qui sauront se réinventer.

 

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