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Les chroniques de l’édition: libraire

par | 5 septembre 2018 | Chroniques de l’édition, Interviews

La librairie indépendante «Page deux mille seize», à Payerne, invite à la lecture et à la flânerie.
Depuis 2016, Anne-Françoise Koch gère la librairie indépendante Page deux mille seize, à Payerne. Elle nous parle de son métier, entre les clients et les livres, mais aussi entre défi et passion.
Portrait d'Anne Françoise Koch, libraire indépendante

Anne Françoise Koch, libraire indépendante, gère la librairie «Page deux mille seize», à Payerne.

Gérer les arrivages, renseigner les nouveaux articles, arranger les livres, rencontrer les représentants, organiser des événements et, bien sûr, conseiller les clients. Voici, en bref, la journée typique d’Anne-Françoise Koch, gérante de la librairie indépendante Page deux mille seize, à Payerne. Dans ce lieu chaleureux, tout invite à la flânerie, des étagères en bois aux fauteuils confortables, en passant par le coin café au fond de la boutique. Le métier de libraire est toujours plus mis sous pression, notamment en raison de la concurrence des plateformes de vente en ligne. Pourtant, les passionnées comme Anne-Françoise Koch et ses collègues Sylviane Pauchard et Odile Gauthier continuent à se battre pour que le lien privilégié avec les lecteurs ne disparaisse pas. Rencontre dans sa belle librairie, qui recèle bien plus de 2016 pages de livres!

La question se posait de savoir quel livre peut bien avoir 2016 pages, à part la Bible!

Parlez-nous du nom insolite de votre librairie, Page 2016. Comment en avez-vous eu l’idée?

Anne-Françoise Koch: En ouvrant ma librairie, beaucoup de noms que j’avais en tête étaient déjà pris. J’avais quelques idées en lien avec la ville de Payerne, mais un nom comme «La librairie de l’Abbatiale» ou «La librairie de la reine Berthe» ne sonnait pas très bien! Puis, je me suis dit, une page, c’est bien, c’est la matière d’un livre. Et la question se posait de savoir quel livre peut bien avoir 2016 pages, à part la Bible! J’ai choisi le nombre 2016, comme l’année d’ouverture de ma librairie. Quand on a mon âge, ce genre de moyen mnémotechnique est toujours le bienvenu!

 

Quel a été votre parcours pour ouvrir une librairie indépendante?

Comme beaucoup de libraires, j’ai commencé par un apprentissage. J’ai travaillé de nombreuses années pour Payot Lausanne, avant de continuer par un emploi à la librairie du Grand-Passage, à Genève. Cela m’a bien «dérouillée» en termes d’idées reçues que j’avais sur le métier, notamment que le libraire se doit d’être quelqu’un d’intellectuel, qui recommanderait uniquement de la grande littérature. J’y ai appris l’importance de la pluralité des lectures, en particulier celles dites «faciles» ou de loisirs. Dans un second temps, l’éditeur veveysan Michel Moret m’a contactée afin que je devienne représentante pour l’ancienne société de diffusion SNL, basée à Lausanne. Une expérience très formatrice, qui m’a permis de découvrir l’entier de l’univers du livre francophone.

Vue intérieure très contrastée de la librairie indépendante «Page deux mille seize», à Payerne.

Vue intérieure de la librairie indépendante «Page deux mille seize», à Payerne.

Vous êtes donc passée d’un milieu d’entreprise à un milieu indépendant…

Tout à fait. À la suite de mon expérience à SNL, Jean-Marc Payot m’a contactée en 1986 pour que je reprenne la gérance de la librairie Payot de Vevey, à l’âge de 25 ans seulement! J’ai assuré la gestion de différents établissements de la chaîne, mais l’envie m’est venue de découvrir quelque chose de nouveau. J’ai cumulé les petits boulots, jusqu’à ce que je tombe sur cette enseigne: un magasin d’habits pour hommes à remettre, au cœur de Payerne. Instantanément, j’ai vu dans ces espaces communicants et lumineux un nid parfait pour une librairie. D’un point de vue personnel, il s’agissait aussi d’une sorte de filiation, d’un retour aux sources, car ma mère est née et a vécu vingt ans dans cette ville. J’ai présenté mon dossier et, contre toute attente, le directeur de la régie a cru en ce pari un peu fou d’y ouvrir une libraire.

Maintenant que tout est disponible en un clic, les gens se rendent de moins en moins en librairie.

On parle souvent de la mise sous pression que subissent les libraires. Vous avez travaillé longtemps pour Payot, un géant dans le milieu. À votre avis, la situation est-elle plus tendue pour les librairies indépendantes?

Non, pas sensiblement. Le métier et la passion pour le livre restent les mêmes, quel que soit l’endroit où l’on travaille. Nous subissons les mêmes pressions et nous perdons toutes énormément de clients. Les jeunes entre 18 et 30 ans sont rares. Quant aux adolescents, ils sont toujours là, mais moins qu’à mon époque. Avec les écrans, il n’y a plus besoin de se rendre dans une librairie pour se distraire.

 

Quelles mesures pourraient être entreprises pour endiguer cette hémorragie des ventes?

Le problème principal réside dans les plateformes de vente en ligne, comme Amazon. Maintenant que tout est disponible en un clic, les habitudes d’achat changent. Les transactions se sont dématérialisées et les gens se rendent de moins en moins en librairie. Une énorme part de notre chiffre d’affaires a disparu et, dans ce métier, chaque marché, quel qu’il soit, compte énormément. Il faudrait une meilleure reconnaissance des différents partenaires. Favoriser les points de vente locaux plutôt que les grandes centrales anonymes.

Les libraires sont des passeurs qui font le pont avec l’ailleurs des livres et des mots.

Pourtant, vous continuez à pratiquer ce métier, envers et contre tout, depuis plus de trente ans. Qu’est-ce qui vous plaît dans cette activité?

Tout ce qu’apporte le livre. Je n’ai jamais trouvé d’autre passion qui m’amenait un apport aussi riche et complet. Lire est un moyen d’aller à la rencontre d’auteurs à travers leurs écrits, de découvrir d’autres univers, de goûter la langue, le texte. Et le contact avec la clientèle est un aspect qui m’a toujours énormément plu. À mon sens, les relations que l’on tisse sont plus intimes et complexes que dans une bibliothèque. Personnellement, je me suis toujours donnée à fond pour mon métier. Maintenant qu’il s’agit de ma librairie, je m’investis à 200%, comme de nombreux professionnels du milieu.

Ambiance dans la librairie «Page 2016», à Payerne.

Faire le pont avec l’ailleurs des livres et des mots, tel est le rôle du libraire selon Anne-Françoise Koch.

Comment décririez-vous le rôle du libraire?

Nous sommes des passeurs, tout simplement. Des passeurs qui font le pont avec l’ailleurs des livres, des mots. Nos lectrices et lecteurs viennent d’horizons très variés: des adolescents, des enfants, des adultes, des personnes âgées… Malgré cette diversité, ils sont à l’écoute, chaleureux, ouverts au dialogue et à la découverte. Je donne, mais je reçois aussi beaucoup. C’est cette curiosité qui me pousse à continuer et à croire en la voie du livre.

 

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