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Gérard Diggelmann, le théâtre au cœur

par | 11 septembre 2020 | Découvertes, Gérard Diggelmann

Comédien et metteur en scène, Gérard Diggelmann publie sa «Méthode complète de théâtre», dotée de 450 exercices pour explorer toutes les formes et nuances du jeu.
Figure connue du monde théâtral romand, Gérard Diggelmann est comédien, metteur en scène et fondateur de l’école éponyme. De ses quarante ans d’enseignement auprès de centaines de jeunes comédiennes et comédiens, il a tiré sa Méthode complète de théâtre. Portrait d’une personnalité habitée par la passion de la transmission.

Tout a commencé au théâtre, au cinéma, au cirque, lorsqu’il était enfant. «Ma grand-mère aimait les arts. C’est elle qui m’a fait découvrir le monde de la scène. Petit, j’étais fasciné par ces femmes et ces hommes qui se mettaient dans la peau d’autres personnes avec autant d’aplomb!» À soixante-quatre ans, Gérard Diggelmann n’a rien perdu de cette passion pour le théâtre, un métier qu’il exerce depuis plus de quarante ans en tant que comédien, metteur en scène, enseignant et directeur artistique de l’école lausannoise qui porte son nom. De cette expérience protéiforme, il a tiré matière à deux livres – L’acteur, le jeu, le théâtre, paru en 2019 aux Éditions Favre et, cette année Méthode complète de théâtre: 450 exercices issus de la pratique aux Éditions Loisirs et Pédagogie. Le but de ce nouvel ouvrage? Offrir un manuel d’enseignement pour former les prochaines générations d’actrices et d’acteurs.

Une véritable bible de l’enseignement théâtral.

Entre Montpellier, Paris et Londres

Si le parcours de Gérard Diggelmann est aujourd’hui intimement lié à la ville de Lausanne, sa trajectoire aurait pu être tout autre – à Zurich, ville d’origine de ses grands-parents paternels, ou à Montpellier, où il a grandi. «À quarante ans, ma grand-mère a hérité d’une petite fortune de sa famille, des industriels suisse-allemands. Elle et mon grand-père sont tombés amoureux du Sud et ont acheté un domaine à Montpellier, où ils exploitaient des champs de vignes et d’oliviers.» C’est là que Gérard Diggelmann naît en 1956 d’un père négociant et d’une mère marocaine. Malgré le cadre idyllique, cette époque est aussi marquée de fissures. «À la maison, on parlait français. Il fallait montrer qu’on était le plus intégré possible. Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale étant encore bien à vif, on nous traitait parfois de Boches. Pour la plupart des gens, il n’y avait aucune différence!»

Toutefois, ce qu’il retient de ces années, c’est surtout sa scolarité en internat, un cadre «régi par la discipline, où l’individualité ne s’exprime pas». L’enfant ne revient chez lui que les dimanches, apprend à se taire, à intérioriser ses sentiments. «L’internat est un système très efficace pour l’apprentissage de l’ordre, de la rigueur, mais il amène aussi à se construire avec beaucoup de manques sur le plan affectif. Avec le recul, je pense que c’est aussi pour cette raison que je suis devenu acteur, par désir d’être vu. D’être ressenti.» À dix-huit ans, l’héritage laissé par sa grand-mère adorée, disparue entretemps dans un accident, a laissé ses traces – il veut devenir comédien, ou rien. Avec la complicité de son grand-père, il s’arrange pour aller à Londres chez l’une de ses nièces, danseuse de carrière, afin de suivre une première formation théâtrale. À ses parents, il avance le prétexte moins bohème d’un séjour destiné à apprendre l’anglais.

«Enseigner a représenté la continuité du travail d’acteur, le moteur pour découvrir le fonctionnement des sentiments humains.»

En effet, pour un père actif dans le commerce, le théâtre est un métier banni. Quoique plaisant comme loisir, ce n’est pas une carrière pour son fils unique. Après deux ans en Angleterre, Gérard Diggelmann avoue à ses parents la vocation qu’il a choisie. «Ils m’ont coupé les vivres du jour au lendemain. Mais ce n’était pas grave, car je savais qu’un jour, ils verraient que je n’avais pas fait ce choix par hasard.» À vingt ans, vient l’âge de l’indépendance et de l’apprentissage des petites galères. De retour en France, il s’installe à Paris où il suit des cours en marge de petits boulots de placeur dans les théâtres et les cinémas. Dans la Ville Lumière, il se sent vite à l’étroit, ses paillettes attirant beaucoup d’appelés et peu d’élus. «J’ai rencontré quelqu’un qui m’a proposé de venir à Lausanne. À l’époque, je ne connaissais de la Suisse que la partie alémanique. Je pensais y rester trois mois – j’y vis encore aujourd’hui.»

Naissance de l’école Diggelmann

En posant ses bagages dans la capitale vaudoise, il ne sait pas encore qu’il marquera durablement le monde théâtral lausannois. Dès son arrivée en 1981, il travaille au Théâtre de Vidy comme comédien pour divers metteurs en scène. Un soir, alors qu’il est invité chez des amis, il lance sans réfléchir: «Pourquoi n’existe-t-il pas une école de théâtre, ouverte tous les jours?» La réponse n’en est pas une mais semble couler de source: «Toi, tu pourrais t’en charger.» Et voilà que l’idée lancée en toute spontanéité s’installe. Quelques jours plus tard, ses amis lui annoncent qu’ils lui ont déniché un local – un espace de 35 m² à la rue Mauborget, au-dessus d’un cinéma. «Je ne souhaitais pas rester un comédien au chômage, en attente, qui ressasserait ses insécurités, alors j’ai sauté sur l’occasion.»

Sans savoir ce qu’il fait, Gérard Diggelmann se lance, avec l’énergie de la jeunesse. Pour recruter des élèves, il appelle toutes les personnes qu’il connaît qui ont des enfants. Quand il en a fait le tour, il crée un dépliant proposant un concours avec, à la clé, un mois de cours gratuits dans sa nouvelle école. Dans sa petite voiture, il fait le tour des écoles lausannoises, distribue ses flyers à la sortie. «Quand j’y repense, j’étais d’une inconscience! Aujourd’hui, je pourrais être jeté en prison, se souvient-il en riant. Pourtant, ça a marché: j’ai reçu une trentaine de retours et j’ai décrété que tout le monde avait gagné. Bon nombre d’enfants sont restés après le mois écoulé et ont été mes premiers élèves. Les premiers élèves de l’école Diggelmann.»

La mécanique du théâtre

À partir de là, tout s’enchaîne. L’école grandit. Gérard Diggelmann monte des spectacles où les élèves ne récitent pas des textes classiques, mais extériorisent leurs émotions pour raconter une réalité qui leur est proche. Dans cette même volonté de fournir à l’enfant une matière à déguster et comprendre le monde, il cofonde Le Petit Théâtre en 1990, «un endroit où parents et enfants auraient le même plaisir.» Dans la continuité de son travail d’enseignant, il dirige des comédiens dans des pièces qu’il adapte à son public, sans enlever leur force d’évocation – Le petit Nicolas, Poil de carotte ou La dispute de Marivaux, autant d’œuvres aptes à enrichir le regard de l’enfant, à l’aider à grandir. En parallèle, une certitude de sa jeunesse se réalise: ses parents viennent le voir à Lausanne et, devant l’épanouissement de leur fils, se réconcilient avec la vocation qu’il avait choisie.

Pourtant, pour celui qui dit avoir enseigné «avec humanité, sans programme ni méthode», quelque chose germe encore. Comme pour tout art, l’élan de créativité va de pair avec un travail rigoureux de recherche et de questionnements. Sept ans après la création de son école, il commence à noircir des pages de cahiers d’écoliers avec des exercices, des réflexions, des objectifs. «Je pouvais y travailler jusqu’à 1h30 par jour. J’étais obsédé par l’idée de comprendre la mécanique du théâtre, ce qui avait marché ou non avec les élèves, pourquoi.» Ainsi naît sa méthode, fruit de quarante ans de pratique et d’expérience d’enseignement et de mise en scène.

La passion de la transmettre

«Concrètement, cette méthode vise à développer les forces et les faiblesses des élèves, pour faire rayonner tout leur potentiel. L’idée est toujours de partir du mouvement pour habiter l’espace, avant de travailler l’écoute de soi et de l’autre.» D’où le fil conducteur de cette méthode en une série de cinq mots-concepts: Marcher – Regarder – Écouter – Donner – Recevoir. Aujourd’hui, sa méthode se présente comme une véritable bible de l’enseignement théâtral, dotée de 450 exercices pour explorer toutes les formes et nuances du jeu. Dans son parcours, il s’agit d’une nouvelle étape, un legs aux comédiennes et comédiens de demain. «Les gens pourront se former à la méthode, l’utiliser pour faire vivre et transmettre la passion du théâtre.»

«Concrètement, cette méthode vise à développer les forces et les faiblesses des élèves, pour faire rayonner tout leur potentiel.»

Car pour lui, au fond, tout revient à ça: la passion de transmettre. «Enseigner a représenté la continuité du travail d’acteur, le moteur pour découvrir le fonctionnement des sentiments humains. Mais tout comédien possède déjà ce sens de la transmission. On ne doit rien garder. C’est l’essence même de notre métier.» Quand on lui demande ce que le théâtre peut apporter en temps de crise, la réponse semble couler de source: «Ce qu’il devrait toujours apporter: un moyen de se réchauffer le cœur alors que nous réalisons notre fragilité, de rassembler les gens en un même lieu, où on écoute d’autres personnes nous parler de nous. Et, peut-être, donner des réponses sur nous-mêmes.»

Couverture de l'ouvrage

Cette méthode se présente comme une véritable bible de l’enseignement théâtral, dotée de 450 exercices pour explorer toutes les formes et nuances du jeu.

Enseigner le théâtre, tout un art!

En 450 exercices pratiques, cet ouvrage clé-en-main plonge au cœur du travail théâtral, guidant lectrices et lecteurs à travers un programme exhaustif de conseils et d’objectifs. En se fondant sur les notions de mouvement, de regard et d’écoute, Gérard Diggelmann a imaginé des centaines de modules pour explorer toutes les formes et nuances du jeu. Conçue pour placer les élèves au centre de la création artistique, la méthode se décline en 14 séquences thématiques pour les amener à progresser dans l’apprentissage de l’art théâtral.

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