Alors que les initiatives pour acheter seconde main, moins et de meilleure qualité se multiplient en Suisse et à travers le monde, voici un tour d’horizon en trois questions de l’industrie du coton et de la fast fashion.
Qu’entend-on exactement par fast fashion?
Pour illustrer la fast fashion, on peut donner un simple chiffre: 20 kilos de vêtements. C’est ce que consomme, en moyenne, une personne en une année sur le marché français, soit deux fois plus qu’il y a quinze ans. Par ce terme de «mode rapide», on entend donc la consommation effrénée de vêtements produits en série, une tendance amplifiée par la mondialisation et la publicité agressive. Pour suivre la cadence de la demande, alimenter les rayons, suivre la mode saisonnière, les grandes marques misent sur davantage d’habits de moins bonne qualité et une utilisation accrue de produits chimiques.
Avant qu’un jean soit mis en vente, il aura parcouru plus de 50’000 kilomètres.
En amont de cette chaîne de production massive, l’eau pour cultiver les matières premières et la pollution des sols découlant d’une culture intensive en font l’une des industries les plus polluantes du monde. Par ailleurs, l’énergie grise liée au transport entre les différents pays producteurs, manufacturiers et consommateurs est immense. Ainsi, avant qu’un jean soit mis en vente dans un magasin, il aura, en moyenne, parcouru plus de 50’000 kilomètres.
Quelles sont les conséquences de l’industrie textile?
Parmi les nombreuses matières utilisées pour produire ces habits, on trouve le polyester, la laine, l’acrylique et, bien sûr, le coton. Il s’agit de la fibre textile la plus demandée dans le monde. Les principaux pays producteurs de coton sont la Chine, l’Inde et les États-Unis. Parmi les autres pays producteurs, on trouve aussi le Burkina Faso ou le Mali. Quoiqu’elle représente une source importante de revenus pour les pays en développement ou émergents, qui produisent plus de 60% du coton à l’échelle mondiale, cette industrie est problématique par de nombreux aspects.
Le premier est d’ordre économique. Comme le soulève Jonathan Kissling, chargé d’enseignement de l’Université de Neuchâtel, la production de textile est régie par des rapports de force extrêmement inégaux entre les différents agents de la chaîne. «Dans certains pays d’Afrique, ce sont les entreprises, dont l’État est souvent l’actionnaire majoritaire, qui distribuent la semence et les pesticides à crédit. Ce sont elles aussi qui fixent les prix du coton. Les agriculteurs sont donc tributaires des aléas météorologiques pour leur production. En conséquence, leurs revenus ne sont jamais assurés. En effet, leurs champs ne sont souvent pas irrigués, contrairement à d’autres pays comme l’Ouzbékistan.»
Ainsi, après la soustraction des frais de transport et de douane, le commerce de détail et la publicité, la part qui leur revient n’excède souvent pas les 1 à 2% du prix de vente en magasin. «Parfois, le retour est si faible qu’il rend les conditions de vie extrêmement difficiles. En conséquence de ces maigres salaires, les producteurs utilisent les engrais et les pesticides destinés à la culture du coton pour faire pousser des cultures vivrières, destinées à l’alimentation familiale. Toutefois, ces substances peuvent polluer les sols et mettre en péril les surfaces maraîchères pour les générations futures.»
La production d’un seul kilo de coton nécessite plus de 5000 litres d’eau.
En effet, la donnée économique est intimement liée au second point problématique, d’ordre écologique. La production d’un seul kilo de coton nécessite en moyenne une surface cultivée de 17 m2 ainsi que plus de 5000 litres d’eau. Alors que la demande s’accroît, la culture augmente jusqu’à appauvrir la qualité du sol, qui n’offre alors plus le substrat nécessaire à la bonne croissance de la flore et à la survie de la faune qui y est associée.
À cela s’ajoutent les intérêts commerciaux des multinationales comme feu Monsanto – aujourd’hui Bayer. «L’entreprise a mis en vente une semence de coton OGM, dotée d’un gène produisant une protéine qui repousse les insectes. Cette dernière est normalement produite par une bactérie bacillus thuringiensis, utilisée aussi dans le cadre de traitements naturels.» L’entreprise a fait du lobbying pour les vendre partout dans le monde, en faisant miroiter un rendement de production plus grand, pour répondre à une plus grande demande. «Souvent, les producteurs ont accepté, sans garantie que cette variété de graines était adaptée aux conditions climatiques du continent africain. Or, une fois qu’on a commencé à cultiver avec des OGM, il est très dur de revenir en arrière.»
Quelles sont les solutions pour pallier le problème?
Comme pour tout système complexe, la réponse n’est pas simple. Selon Jonathan Kissling, le problème se concentre avant tout au niveau institutionnel. En effet, les petits pays producteurs peinent à régater face aux fluctuations de prix imposées par des pays pesant lourd dans l’économie mondiale, comme les États-Unis. Au bout du compte, c’est l’entier du système économique qui est mis en cause, avec les aberrations que comporte la mondialisation. Ainsi, si la Chine est le premier producteur de coton, elle est également le premier importateur, sa production ne suffisant pas à rassasier la demande sur son sol et celle, massive, du monde entier.
Dans les pays occidentaux, les habits sont jetés avant d’avoir atteint le tiers de leur durée de vie.
À l’échelle individuelle, on peut bien sûr influencer partiellement ces dynamiques, notamment en achetant moins et de meilleure qualité, dans le but de réduire son empreinte écologique. En effet, on estime que, dans des pays comme la Suisse, l’Allemagne ou les États-Unis, les habits sont jetés avant d’avoir atteint le tiers de leur durée de vie. Dans une perspective de durabilité, peut-être est-ce une meilleure affaire d’acheter un pull plus onéreux en chanvre, laine, lin ou coton bio que deux T-shirts bon marché issus de la fast fashion.
Comprendre le monde du vivantCette analyse est inspirée de la rubrique «Évaluation écologique et durabilité» de notre livre Biologie: notions fondamentales, un manuel visant à comprendre les multiples facettes de la vie sur terre. Richement illustrée de schémas et de photographies, la matière est présentée dans un langage clair qui la rend accessible à un large public. Destiné à la filière gymnasiale, le livre s’accompagne d’un ouvrage de solutions vendu séparément. |
Pour aller plus loin
- Campagne «Clean Clothes» de Public Eye
- Cash Investigation: un émission de France 2 sur le sujet