En regardant les nouvelles, la violence semble être partout. Même en Suisse, où de récents événements comme des règlements de compte entre gangs rivaux ou les assauts sur la place fédérale ont marqué les esprits. Si causes et effets sont difficiles à lier, les tensions qu’exacerbe le débat sur les limites de la liberté individuelle ont intensifié la violence dans nos sociétés ces deux dernières années.
La violence traduit toujours une frustration, souvent parce que les autres formes de communication se révèlent difficiles ou impossibles.
Toutefois, il existe de nombreuses pistes pour la contrer. Déjà en 2011, Violaine Martinella-Grau amenait des éléments de réponses dans Comprendre et désamorcer la violence chez les jeunes, un guide d’outils pratiques. Si la violence ne concerne de loin pas uniquement cette tranche d’âge, c’est chez les jeunes enfants et les adolescents qu’on peut plus facilement en déceler les prémices – et la prévenir.
Violence, qui es-tu?
Policière et formatrice, l’autrice a décidé d’écrire ce livre parce qu’elle était confrontée à la violence au quotidien, afin de prendre le pouls du phénomène en Suisse. Dans le cadre de cette auscultation, elle relève que cette manifestation émotionnelle traduit toujours une frustration, souvent parce que les autres formes de communication se révèlent difficiles ou impossibles.
L’idée est de découvrir quel besoin se cache derrière le comportement de la personne agressive.
Surtout, elle relève l’importance de faire la distinction entre agressivité et violence. Selon Violaine Martinella-Grau, la première est une manifestation «normale» de la communication des très jeunes enfants entre 18 mois et 2 ans, ainsi que les adolescents. Canalisée, cette agressivité peut donc être perçue comme un élan sain.
À l’inverse, la violence découle de l’agressivité et conduit à une déshumanisation de la victime. Elle conduit ainsi à une escalade aux conséquences potentiellement désastreuses, et nécessite souvent une intervention extérieure du personnel soignant ou policier. Toutefois, dans ses formes les moins graves, la violence peut être canalisée à travers diverses pistes. En voici 4 à explorer.
1. Manier l’écoute active
Il s’agit peut-être de la technique la plus efficace, pour autant qu’on la manie avec efficacité et, surtout, sans que la personne ne s’en rende compte. L’idée est de l’amener à se décharger verbalement de ce qui provoque son état, afin de découvrir quel besoin se cache derrière son comportement.
L’échange ne doit pas s’articuler comme une discussion. Les conseils, jugements de valeurs et idées préconçues sont donc à bannir. À l’inverse, il faut plutôt accorder à l’autre son entière attention, laisser la place aux silences et faire attention à son attitude non-verbale (mimiques, hochements de tête, regards, etc.). Ce type d’échange peut se dérouler en trois étapes:
- Questionner avec respect et de manière non-menaçante, en utilisant des questions ouvertes pour ne pas fermer le discours («souhaitez-vous développer?», «pourriez-vous préciser?»).
- Reformuler en nommant l’émotion pour faire avancer le discours et s’assurer que celui-ci a été bien compris («si j’ai bien compris, vous ressentez de la frustration…»).
- Résumer les points-clés pour clore la séquence de communication avant de passer à autre chose («en résumé, …»).
Par exemple, à une petite fille qui se plaint avec véhémence d’avoir trop de devoirs, on pourra lui répondre «Tu as l’air agacée. Est-ce que tu préférerais apprendre une matière qui fait du sens pour toi?». Ou à un adolescent qui assène «C’est toujours toi qui a raison, de toute façon. Je n’ai jamais mon mot à dire», une réponse bienveillante pourrait être: «Tu me sembles frustré et je peux le comprendre. Mais il faut aussi que tu comprennes que, pour vivre ensemble, il y a des règles à respecter. Que proposes-tu pour améliorer les choses?»
2. Manier la métaphore
Il s’agit d’un outil pour développer l’empathie, dès le plus jeune âge. La métaphore est particulièrement efficace dès 11-12 ans, lorsque les enfants prennent moins les images au pied de la lettre. Pour pratiquer la métaphore, il s’agit de rédiger, sous une forme imagée, une histoire dont le sens premier est apparemment sans lien avec la situation, mais dont le sens caché permettra à la personne de prendre conscience de son attitude agressive et de ses conséquences.
Une bonne métaphore ouvre le champ des possibles, donne de nouvelles perspectives et permet de faire des suggestions indirectes. Il s’agit de respecter la réalité de la personne pour laquelle la métaphore est construite et ne pas céder à la tentation d’imposer la sienne. Par ailleurs, l’écart avec la situation problématique doit être suffisant pour que le message soit saisi de manière détournée.
Symbolique, images, fantaisie: tout doit être propice au rêve pour suggérer un changement. Pour un enfant agressif, on pourra imaginer ainsi l’histoire d’un petit poussin bagarreur, exilé du poulailler, malgré ses regrets, pour avoir causé trop de tort à sa communauté.
Dans le cas d’un ou d’une adolescente, on pourra complexifier le récit, évoquant par exemple une jeune fille agressive, dont le père l’exhorte de planter des clous dans une barrière à chaque fois qu’elle sent monter la colère. Toutefois, même apaisée, et même après que son père lui a demandé de retirer les clous, la fille constate que les balafres laissées dans le bois n’ont pas disparu, tout comme les conséquences de sa violence passée.
3. Se dissocier en position «méta»
Cette technique s’utilise quand la crise de violence n’a pas pu être évitée. Comment peut-on réagir pour se protéger? Une des techniques est de pratiquer la distanciation. Se dissocier est une sorte de mise à distance virtuelle de la situation en cours, qui permet de garder une conscience de soi (et des émotions ressenties), de l’autre et de la relation. Cette position est idéale dans toute situation difficile, car elle permet de conserver une neutralité émotive et, par conséquent, de réfléchir et de prendre des décisions.
Face à une situation de violence, l’idéal est de conserver une neutralité émotive.
Pour se dissocier, il faut entraîner cette aptitude lorsqu’il n’y a pas d’enjeu, afin de pouvoir par la suite l’utiliser consciemment lors de situations délicates. Une manière très simple est de se rendre dans un café avec un(e) ami(e) et, tout en se concentrant sur la conversation, d’élargir son champ d’attention: d’abord à la table d’à côté, puis à l’environnement autour de soi. Le but est de s’interroger sur les comportements des gens, leurs émotions et leurs pensées, pour petit à petit parvenir à se dissocier efficacement.
Avec un entraînement régulier, on parvient à se familiariser avec cette technique et à l’exercer avec une plus grande flexibilité. En situation émotionnellement difficile, il devient plus facile de ne pas subir la situation de manière impuissante, mais de prendre de la distance en la détaillant, comme à travers l’œil d’une caméra.
4. S’affirmer sans surenchérir
Face à la violence, l’une des pires erreurs est de présenter à la personne agressive un visage de victime ou un sentiment de doute, dans lequel elle va s’engouffrer. Même si cela n’est pas évident, il est important de s’affirmer dans la confrontation, de montrer une grande confiance en soi et d’afficher clairement ses positions, quelles qu’elles soient. Il s’agit de donner le sentiment qu’il y a une limite à ne pas franchir. En fonction de la situation, les manières d’y parvenir peuvent aller de la simple évocation de ses besoins, croyances et valeurs personnelles à la réplique virulente ton sur ton, en passant par le non-verbal assertif et clair.
Face à une personne agressive, la tendance est souvent au renchérissement, chacun défendant son point de vue et son territoire. Cela est particulièrement vrai face à quelqu’un qui adopte une attitude provocatrice, visant à faire sortir l’autre de ses gonds. Cette attitude est à éviter à tout prix, sous peine de faire exploser la situation et de la rendre totalement incontrôlable. L’objectif n’est pas d’avoir raison et de prendre le dessus, mais, comme toujours dans les cas de violence, de surmonter une situation de crise.
SociétéLe catalogue des Éditions Loisirs et Pédagogie compte de nombreux titres apportant des éléments de réponse et des espaces de réflexion autour de la société dans laquelle nous vivons. Parmi les sujets évoqués, on trouve notamment les livres de thérapie Défis de familles et Adolescence en quête de sens, ou des ouvrages qui traitent du rôle du jeu dans le développement des enfants, comme Pour que les enfants jouent, ou de la grand-parentalité, comme Lettres aux nouveaux grands-parents. |
Pour aller plus loin
- Comprendre et désamorcer la violence chez les jeunes, de Violaine Martinella-Grau
- Transmuter la violence en milieu scolaire, de Maria-Grazia Vilona-Verniory et Jean-François Malherbe
- Les livres Défis de familles et Adolescence en quête de Jon Schmidt et Nahum Frenck
- Pour que les enfants jouent: une pédagogie du jeu pour les institutions de la petite enfance de Raymonde Caffari-Viallon
- Lettres aux nouveaux grands-parents, de Vittoria Cesari Lusso et Simon Corthay