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Aujourd’hui, c’est introduction à la rhubarbe!

par | 10 août 2017 | Reportages, Yvan Schneider

La rhubarbe, une plante peu connue au-dehors de nos contrées helvétiques.
Comment les élèves étrangers appréhendent-ils la cuisine suisse? Réponse dans la classe d’Yvan Schneider.

«Aujourd’hui, c’est introduction à la rhubarbe!» La classe du matin d’Yvan Schneider, professeur de didactique à la Haute école pédagogique (HEP) du canton de Vaud et auteur de Petite histoire de l’alimentation en Suisse, s’ouvre sur cette phrase: «Qui connaît?» Sur les douze élèves de 9e voie générale qui lui font face, seulement quatre lèvent la main. Et pour cause, ils viennent de pays aussi divers que l’Érythrée, la Macédoine, le Congo, l’Albanie, l’Arménie, le Brésil, le Portugal ou encore l’Irak. Dans ces pays, peu de gens ont déjà goûté l’acidité de la tarte à la rhubarbe, le «dessert du pasteur» bien connu des campagnes helvétiques.

Peu d’entre eux ont déjà goûté l’acidité de la tarte à la rhubarbe, le «dessert du pasteur» bien connu des campagnes helvétiques.

L’exotisme des goûts suisses

Les élèves préparent des tartelettes à la rhubarbe.

Les élèves préparent des tartelettes à la rhubarbe.

Suspicieux, les élèves font glisser les tiges entre leurs doigts. «J’ai déjà goûté, mais j’aime pas trop», confesse William, un garçon brésilien. Une jeune fille admet que le goût est bizarre, sans être mauvais. Ils n’ont malheureusement pas le choix du menu – tarte à la rhubarbe – et se mettent tout de suite au travail à leurs postes habituels. «Allez, on se dépêche de couper la rhubarbe et de la faire revenir dans une casserole», enjoint l’enseignant. Les élèves se concentrent, discutent en travaillant. L’odeur si caractéristique de la rhubarbe commence à s’élever dès que les plaques sont allumées.

En passant dans les rangs, on constate vite que certains jeunes manient déjà les ustensiles d’une main experte, à l’instar de Lorena, jeune congolaise qui aide souvent sa mère à la maison. «C’est un plaisir de l’aider à cuisiner», dit-elle dans un sourire. D’autres ont l’air un peu moins à l’aise: ça fume et ça accroche dans les casseroles! «N’hésitez pas à mettre une cuillerée d’eau si ça attache!», suggère Yvan Schneider depuis son propre poste de travail.

«La cuisine est hautement identitaire,
car elle façonne nos goûts dès l’enfance.»

«Le but de cette classe est de les initier à la cuisine de chez nous, mais aussi au nettoyage et au tri des déchets, explique-t-il. Si la cuisine suisse paraît banale ou peu attrayante pour les locaux, elle est exotique pour les élèves qui viennent d’ailleurs.» Au quotidien, on oublie que ce qui semble évident, comme se souhaiter bon appétit, est un construit culturel façonné par nos mœurs et nos coutumes.

Par exemple, en Irak ou en Albanie, pas la peine de finir son assiette: les hôtes resservent les convives à peine ces derniers ont avalé la dernière bouchée. «La cuisine est hautement identitaire, car elle façonne nos goûts dès l’enfance, précise l’esthète culinaire. Ici, les élèves découvrent nos coutumes d’une autre manière. Par exemple, en début d’année, une élève ne s’était jamais assise à table avec des garçons, car cela ne se fait pas chez elle. Certains ne mangeaient même pas à table tout court. L’option cuisine, c’est aussi une ouverture à l’autre.»

«Les cuisines ne connaissent pas de frontières»

Photo d'Yvan Schneider

Pour Yvan Schneider, la cuisine est un pont entre les cultures.

Et qu’apportent les élèves à la classe? «Leur savoir-faire et leurs goûts», répond Yvan Schneider. Quand on les questionne sur leur cuisine, ils évoquent les mets de leur pays d’origine: le baccalaù portugais, les kubbahs irakiens, le feijão brésilien, le mikaté congolais, la pitta albanaise ou la moussaka macédonienne. Tiens? Ces deux dernières recettes ne viennent-elles pas de Grèce? «Les cuisines ne connaissent pas de frontières. Elles s’influencent les unes les autres, sans tenir compte des délimitations linguistiques ou régionales», explique Yvan Schneider à sa classe.

Les tartelettes fraise-rhubarbe sont prêtes.

Les tartelettes attendent d’être dégustées pendant que les élèves rangent leurs postes de travail.

«Qui peut me dire ce qu’on doit ajouter pour adoucir l’acidité de la rhubarbe?» «Du sel?», hasarde un garçon en déclenchant des ricanements dans l’assemblée. C’est Lewathe qui donne la bonne réponse: le sucre, sans lequel la rhubarbe reste un aliment immangeable. Le temps ne laisse toutefois pas beaucoup de place aux discussions: pour finir à l’heure, il faut se dépêcher, apprêter les tartelettes avec un lit de confiture sur lequel sera nappé le mélange, faire la vaisselle et nettoyer les postes.

La touche finale est apposée avec de la crème chantilly et une fraise, que les élèves disposent à leur guise… avec des résultats plus ou moins heureux selon l’inspiration du moment. Toute la classe s’assoit à l’issue de la leçon pour déguster les tartelettes. Verdict: la majorité aime, certains ne sont pas convaincus. Parfait. Les goûts, comme les recettes, n’ont pas de frontières non plus.

 

 

 

 

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